La compagnie de théâtre La Manufacture présente Le Pillowman jusqu'au 11 décembre.

Rire dans l’horreur

Katurian, écrivain à ses heures, se retrouve dans une cellule carcérale sans être informé de la raison de son enlèvement. C'est à l'intérieur de cette pièce que défile une brochette de personnages tous plus tordus les uns que les autres. Un manège effréné de mensonges et de révélations qui gardera le public en haleine du début à la fin.

Avec la prémisse de la pièce, le spectateur s'attend à une œuvre à la facture lourde et à l’ambiance sombre, prêt à sortir de la salle complètement renversé. Il faut dire qu'une histoire de meurtres, dans un état totalitaire, avec un boucher comme protagoniste, cela laisse place à une interprétation plutôt dirigée. Le côté humour noir annoncé semblait bien pâle face à cet amoncellement de malheurs. C'est donc avec un brin de confusion que la foule se surprend à rire de bon cœur pendant la représentation. La situation, poussée aux extrêmes, finit par sembler surréaliste, presque loufoque.

C'est d'ailleurs sur ce point que certains accrochent. On vient à se demander si le public, tellement mal à l'aise face à la torture et la mort, ne trouve d'autre exutoire à son malaise qu'un éclat de rire forcé. L'acteur principal, Antoine Bertrand, clarifie sur ce point: «On se sentirait bien mal d'enlever l'humour, parce qu'il est nécessaire dans le texte. On va tellement loin dans l'horreur qu'il fallait aussi mettre le pendant humoristique de ça. Les gens se raccrochent à cette ligne-là parce qu'ils en ont besoin».

La compagnie de théâtre La Manufacture en est à sa deuxième adaptation d'une œuvre de McDonagh. La pièce La Reine de beauté de Leenane, qui joue dans un registre différent, dépeint elle aussi l'humain d'une manière un peu tordue. Il était donc tout naturel pour Jean-Denis Leduc, ancien directeur artistique de La Manufacture, de proposer à M. Bernard de mettre en scène un des textes de l'auteur. La traductrice Fanny Britt s'est assurée de garder le script le plus près possible de la version intégrale, tout en le rendant accessible pour l'audience, le registre de langue sautant du soutenu au commun.

Quelques détails ont cependant changé du tout au tout. «On a fait des recherches sur comment la pièce a déjà été montée et qui l'a jouée. Denis s'est rendu compte que le choix de personnage central était toujours le même: quelqu'un d'assez maigrelet, de fébrile. Dès le départ, Denis voulait deux colosses pour faire de la dentelle. Avec Fred [Frédéric Blanchette] qui est assez baraqué et qui joue mon frère, c'est l'effet que ça donne», explique Antoine.  
 

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