Critique : (Very) Gently Crumbling

Une performance pluridisciplinaire immersive

Pour couronner la saison 2016-2017 de La Rotonde, le diffuseur de danse contemporaine invitait le public pour un dernier spectacle au Musée National des Beaux-Arts, les 27 et 28 avril : (Very) Gently Crumbling

Dans le cadre de cette performance, les spectateurs assidus de la discipline furent transportés dans une contre-utopie futuriste, tropicale et artificielle, aux couleurs vives et mouvements décomposés issus de l’imaginaire du chorégraphe montréalais Jacques Poulin-Denis.

Le décor minimaliste, figé sous une lumière tendre, renvoie rapidement à un univers futuriste aride dont les éléments qui la composent sont tous devenus illusoires. Une plante artificielle aux feuilles vert vif se dresse aux côtés de deux petites roches roses en formes de globules sanguins. Une forme caoutchouteuse jaune attire l’attention de tous par sa forme organique et son cordon ombilical s’étirant jusqu’aux coulisses de la scène.

Ce décor prend vie lorsqu’une ambiance sonore frissonnante accentue le ton décadent de l’univers désaffecté. Sous le rythme de bouffées d’air machinales, la forme jaune bat lentement comme un cœur agonissant au milieu de cette terre infertile.

La figure dure quelques minutes, plongeant les spectateurs dans l’hypnose ou la méditation. En synchronisation avec cette respiration artificielle, on aperçoit quelque chose se débattre à l’intérieur du ballon jaune qui ne cesse de gonfler. Un être humain se bat et veut se délivrer de cette prison qui semblait être une première évocation de la vie. Et lorsqu’elle réussit à se désenchainer, la scène est plongée dans le noir complet.

Commence ensuite un rythme accéléré rehaussé par un jeu de lumières entrecoupé et saccagé, comme un bombardement cataclysmique. Le plateau, morcelé par le mitraillage lumineux, se fait envahir progressivement par les quatre interprètes s’introduisant, un à un, sur scène sous l’emprise de mouvements robotiques ébranlés.

Une voix féminine métallique à la démarche d’un logiciel d’intelligence artificielle berce l’assistance d’une narration ornée de propos absurdes, faisant la satire d’une société dont l’humanité aurait été pulvérisée par l’emprise des nouvelles technologies et de ses besoins de consommation.

Le décor accueillant les interprètes dévoile l’idéal esthétique extrêmement séduisant d’un futur épuré, enjolivé de couleurs pastel, tel qu’insinué également dans le film Her du réalisateur américain Spike Jonze. La mise en scène d’une réalité utopique aseptisée et dépolluée s’effrite graduellement avec l’assemblage notable du son et de la lumière, lesquelles régentent le mouvement dénaturé des interprètes.

Avec la pluralité des recours sonores et lumineux, l’illusion paradisiaque s’émiette à coups de répercussions sonores électrifiées et de pixels heurtant le panneau du fond de la scène. Des bruits parasites s’intensifient en prenant en otages la narration qui se fait altérée, autant que les interprètes possédés par la frénésie saboteuse qui les réduits en débris.

Un travail impeccable maîtrisant une variété de recours techniques crée un spectacle immersif qui rejoint plutôt la performance pluridisciplinaire. Cette prestation diffère des spectacles de danse contemporaine présentés au long de la saison ayant puisé davantage dans l’exploration des capacités du corps et l’originalité des mouvements possibles.

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