Théâtre vérité

Un couple perd sa petite fille au bout de deux semaines, en 2001. Ce couple, c’est Nini Bélanger et Pascal Brullemans. Elle est metteure en scène, lui, auteur. Ils ne sont pas acteurs. Pourtant, ils ont décidé de l’être le temps de quelques représentations de Beauté, chaleur et mort, dont deux à la Caserne Dalhousie, afin de raconter cette histoire, la leur. Pas seulement la mort de cette enfant, mais aussi sa courte vie, et ce qu’il y a après, les différentes étapes du deuil.

Cyril Schreiber

Avec Beauté, chaleur et mort, leur thérapie à quelque part, le couple Bélanger/Brullemans voulait transcender leur histoire personnelle et la rendre universelle. En résulte une expérience théâtrale tout à fait unique, qui ne pourra plaire à tout le monde. Certains embarqueront dans ce flot d’émotions, d’autres resteront sceptiques devant cette pièce lente, dépouillée, contenant longueurs et scènes didactiques volontaires.

Le malaise, en tout cas, est partagé par tous, à tel point que les applaudissements sont venus tardivement à la fin. C’était l’émotion que Bélanger et Brullemans voulait créer. Hyper-réalisme ? Peut-être. Frontières floues, assurément, entre la vie et le théâtre. Rapport scène/salle vibrant. Acte théâtral réfléchi, mis en scène, ce qui permet un peu de détachement, malgré tout.

Réflexion intéressante, mais dont le résultat déstabilise trop, du moins chez certains. Cette impudeur extrême, déclinées en plusieurs scènes intimes gênantes, en fera reculer plus d’un. Le parti pris d’expliquer le drame dans le prologue, d’être dans le déroulement et non la surprise, l’effet, est discutable. L’humour, heureusement, est là, parfois, pour sauver le tout.

Mais où est le théâtre, la fiction, dans cette histoire ? Partout, et pourtant caché, invisible. Ce désir de rendre universel un événement si personnel apparaît, raté serait exagéré, fortement impossible. Pourtant, malgré tous ses défauts, et même ses qualités que tous n’auront pu voir, Beauté, chaleur et mort a le mérite de sortir le spectateur de sa zone de confort. Peut-être trop au goût de certains. Nini Bélanger et Pascal Brullemans osent le tabou de la mort, osent poser des questions au grand jour, sur une scène. Au risque de s’y brûler. Il faut au moins leur accorder ça.

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