Photo : Alice Beaubien

Une saison sous le signe de la gravité, de l’engagement et de l’urgence

Le glas des théâtres d’été a enfin retenti, et c’est avec un plaisir immense que l’on renoue avec les planches de Québec. Au seuil de cette nouvelle saisonles valeureux-ses membres des Treize ont jeté pour vous quelques lignes dans ces eaux théâtrales.  

en collaboration avec la troupe de théâtre Les Treize

Entre autres pièces incontournables, Le vrai monde? de Michel Tremblay reposera sur une solide distribution. Celle-ci pivotera autour de Jean-Denis Beaudoin, jeune créateur de Québec dont on apprécie la maturité et la justesse du jeu. Le-la spectateur-rice devra discerner le vrai du faux devant deux tableaux se renvoyant en miroir l’un contre l’autre, chacun étant composé d’un trio de personnages – en l’occurrence, le père, la mère et la sœur du protagoniste. Des aveux difficiles vont sourdre. Il nous tarde de découvrir la mise en scène de Marie-Hélène Gendreau, directrice artistique du Périscope par ailleurs et à qui l’on doit notamment Trainspotting en 2015 de même que Bienveillance de Fanny Britt plus récemment.  

L’équipe du Périscope peut quant à elle (enfin!) regagner ses pénates : au terme d’une année en mode nomade, l’enceinte est fin prête à accueillir les spectateurs-rices. Les voix qui s’y élèveront seront contestataires, largement féminines, voire féministes, et les thèmes de quelques pièces seront susceptibles de se recouper. Outre M.I.L.F. de Marjolaine Beauchamp de même que Babysitter de Catherine Léger, Manifeste de la Jeune-Fille s’annonce retentissant. Il y sera question de notre servilité aveugle, de l’adhésion que nous affichons envers certaines valeurs, croyant nous prémunir ainsi contre la bêtise humaine rampante. Or, en réalité, nous y serions vautrées au même titre que le sont ceux et celles qui adhèrent plus ouvertement aux préceptes du capitalisme. En plus du texte, Olivier Choinière signe la mise en scène de la pièce créée à l’hiver 2017 à l’Espace Go.  

Quant à Premier Acte, véritable étuve pour nombre de talents en voie d’éclore dans le champ théâtral de Québec, La fille qui s’promène avec une hache sera présentée du 6 au 24 novembre. Campé dans un univers fascinant, le quotidien monotone du glauque village de Malenfants acquiert une résonance sociale et politique à certains points du récit. On assiste aux tribulations d’une bande d’ados désœuvrés-es, et de Cindy-Lou en particulier, une jeune « squaw » dévorée par un puissant sentiment de révolte. L’année dernière, la production de la compagnie Kill ta peur figurait dans la programmation de Joker Joker, un diffuseur de Québec allégrement nomade dont on a également hâte de connaître la programmation.  

Enfin, The Dragonfly of Chicoutimi sera la valeur sûre de l’automne à la Bordée. Entre autres arguments pour s’y rendre, invoquons la plume et la poésie de Larry Tremblay, Jack Robitaille, monument théâtral à Québec, de même que le thème presque éculé mais néanmoins inépuisable de l’identité. Gaston Tremblay, le protagoniste au nom tout chicoutimien s’il en est un, se réveille effectivement désarçonné alors qu’il constate avoir perdu l’usage de sa langue maternelle.  

Et sur le campus? 

Les troupes universitaires font jachère cet automne, et l’assaut sera plutôt livré cet hiver. Les Treize retrouvent un certain rythme de croisière alors que trois projets ont déjà été confirmés pour l’hiver 2019 : il s’agit de Félicité d’Olivier Choinière (pour l’anecdote : l’équipe avait l’intention de monter Manifeste de la Jeune-Fille et de tenir ses représentations en octobre; le Périscope leur a, pour ainsi dire, damé le pion), de la comédie musicale Peines d’amour perdues d’après l’œuvre de Shakespeare, et de Le roi se meurt d’Eugène Ionesco. Les Corps étrangers de même que Côté-Cour, les troupes facultaires de médecine et de droit respectivement, annonceront éventuellement le projet qu’ils-elles mèneront pour l’année 2018-2019.   

Du propre aveu de Michel Tremblay lors d’un passage à la Maison de la littérature au printemps, « tandis qu’un roman, ça existe pour chuchoter une histoire dans l’oreille d’un ami, une pièce, ça existe pour crier des bêtises au monde, pour dénoncer; c’est d’abord une excellente question sans réponse ». Prêtons ainsi l’oreille à ces questions que nous adresseront les créatrices et les créateurs de Québec au cours des prochains mois.

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