Une visite (scolaire) au musée

Vous baillez? C’est parce qu’il s’agit d’une énumération de lieux communs. Mais des lieux, même communs, ça se visite. Et c’est ce que fait Camille Deslauriers dans Eaux troubles, le recueil de nouvelles qu’elle publie cet automne, chez L’instant même.

Dans cette petite quinzaine de récits, l’auteure pénètre l’esprit troublé d’autant d’étudiants d’une même école secondaire. Moema, Pierre-Luc, Olga et les autres vivent chacun de grands et petits drames : un chien euthanasié, une peine d’amour, un rejet, une fugue. Évidemment, de telles expériences peuvent se révéler marquantes et même tragiques ; le but n’est pas ici de les banaliser. Mais en les mettant en scène l’une après l’autre dans un recueil de nouvelles, l’écrivain se retrouve face à deux choix : les dépoussiérer en posant un regard neuf et créatif sur le vague pathos qu’elles inspirent, ou se contenter de les observer en se fiant à leur capacité naturelle à émouvoir. Dans Eaux troubles, Camille Deslauriers choisit la seconde option.

Ce n’est pas que la plume de l’auteure ne présente aucun intérêt, elle est plutôt « souple et poétique », comme on l’indique sur la quatrième de couverture. Mais au moment de refermer le livre, persiste un sentiment extrêmement convenu et attendu, comme si le texte s’était dicté lui-même toutes ses questions et toutes ses réponses. En ce sens, il n’a nul besoin d’un tiers – le lecteur –  pour prendre de la profondeur et de la texture, à moins que ce tiers soit lui-même un adolescent déprimé qui s’y identifierait d’emblée. C’est peut-être là où le bât blesse, finalement : une petite mention littérature jeunesse attirerait sans doute de la sympathie et une certaine indulgence de la part du lecteur qui, sinon, doit bien se résigner à une expérience qui se vit comme une courte visite dans un musée un peu figé et poussiéreux.

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