Viande ou viande?

Courtoisie - Gabriel Talbot Lachance

Jusqu’au 10 novembre, le théâtre Premier Acte accueille la pièce Viande, une création signée La Vierge folle. Pour un moment qui vient nous chercher jusque dans les tripes.

 par Perle Fostokjian

 C’est une courageuse Noémie O’Farrell qui ouvre la scène avec une aise déconcertante et une impudeur juste et maîtrisée. Seule, puis à deux. Voilà qui donne le ton. Oui pour la sensualité, mais ensuite – oh surprise! – non pour l’innocence. Et on ne parle plus de chasteté. L’histoire évolue autour d’un événement, celui de ramener un homme à la maison, et lui fait prendre une drôle de tournure. Comment une traditionnelle chasse à l’amourette nocturne et légère peut-elle se transformer en sérieux piège à rats? Texte et mise en scène (Maxime Robin) n’ont pas manqué leur coup : en un tour de main, le flirt achève et les vraies affaires arrivent. Scalpel, sarrau et cubes de glace. De quoi vous faire redouter votre prochaine virée lascive.

 Sans se gêner, sans surdramatiser, les interprètes Jean-Michel Déry, Pier-Olivier Grondin et Noémie O’Farrell se renvoient la balle un peu comme Tarantino appuie sur la détente. Ils nous livrent avec une énergie qui ne descend jamais un récit qui n’est lui-même pas reposant. Les silences y ont une place de choix et certaines minutes s’étirent soigneusement, ramenant toute notre attention sur les seuls gestes posés. La chorégraphie est d’ailleurs élaborée et invisible; c’est du théâtre physique et bien vivant que l’on a devant les yeux. Suspens et vitesse orchestrent le tout. Ajoutez à cela une pincée de nouvelles technologies, des lumières exactes et des décors à la fois sobres et esthétiques, et vous avez une oeuvre intense qui vaut tout à fait le détour.

Allusions, symboles et rappels sont également remarquables. L’histoire au complet se tient comme une maison de miroirs, poétique et étourdissante. Entre le corps de la femme, surface et appât, et celui de l’homme, organique et vulnérable, le ventre du loup devient une victime. Le nerf de la guerre reste l’appétit, mais il est exploré sous des angles bien décapants. Viande est surprenante, comme seule une pièce authentique peut l’être. On aurait certes voulu la suite!

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