La voix du non-dit

« J’ai eu envie de dire, justement. De crier. De hurler le sujet. De permettre à d’autres de le mettre en mots, en images, en idées, en points d’interrogation », écrit Nancy B. Pilon dans la préface de Sous la ceinture : unis pour vaincre la culture du viol.  Évoquer ce problème sociétal comporte son lot de risques et d’incertitudes.  En réponse, le collectif ne se prétend rien de moins et rien de plus qu’un « outil pour appuyer le dialogue ».  Et n’y va pas de main morte.

2272-240xLoin de l’ouvrage sociologique type, bourré de théories de tous genres, le recueil de textes donne voix à des femmes comme à des hommes.  En effet, pour l’auteure et directrice du projet, qui signe la préface ainsi qu’une nouvelle, « l’important, c’est que la parole des hommes soit représentée de diverses manières.  La culture du viol, c’est un problème de société, qui est composée autant d’hommes que de femmes ».

À ce sujet, la pluralité des genres – du témoignage au dialogue, en passant par la nouvelle et l’essai – illustre bien la diversité des formes que peut prendre le discours.  Le recueil « éclaté et polyforme » évite d’ailleurs de justesse le piège du white feminism, en donnant la parole à des femmes noires et autochtones.  Car pour celle qui a travaillé pendant trois ans dans une communauté inuit, il n’était pas question que le projet prenne forme sans que la voix des Premières Nations n’y soit représentée.

Pas de place au contre-discours

Si Sous la ceinture se veut un espace de discussion, le contre-discours n’y trouve pas sa place.  « Les détracteurs de la culture du viol ont presque plus de tribune que ceux qui essayent de la défendre.  À ceux qui me disent qu’une telle victimisation n’existe pas, je leur dis d’ouvrir la télé, d’aller lire les commentaires sur Facebook.  Les contre-discours sont partout», révèle avec conviction Nancy B. Pilon.

Ainsi, tous les textes du recueil témoignent d’une expérience en lien avec l’absence de consentement ou l’objectivation du corps.  Que ce soit l’analyse qu’exécute Sophie Bienvenu de son propre comportement, l’essai de Webster sur la place de la femme dans le Hip-hop ou le consternant récit de Samuel Larochelle à propos d’une (fictive) initiation de football, on retrouve en commun une critique acerbe et assumée des normes sociales en ce qui a trait aux agressions sexuelles.  Même si le sujet est lourd, on reste dans « quelque chose d’agréable, le plus accessible possible malgré la violence du propos ».

Gomeshi et #AgressionNonDénoncée

Nécessaire, le livre arrive à point.  Cogité en réponse aux accusions contre Gomeshi, puis contre la vague d’#AgressionNonDénoncée, Sous la ceinture se révèle être un intéressant ouvrage qui témoigne on ne peut mieux des problèmes auxquels on se heurte en tant que société.  Comme le dit Nancy B. Pilon : « la culture du viol est tentaculaire et insidieuse ».  Voilà un intéressant ouvrage qui la met en lumière, tout en fournissant des outils pour la contrer.

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