Une semaine après l’attaque contre le consulat américain à Benghazi, en Libye, l’affaire du film « L’innocence des musulmans » prend des tournures étonnantes.

Comment fabriquer la colère

Une semaine après l’attaque contre le consulat américain à Benghazi, en Libye, l’affaire du film « L’innocence des musulmans » prend des tournures étonnantes.

Jérémie Lebel

Onze ans après les attentats du 11 septembre 2001, des éléments extrémistes ont pris d’assaut le consulat des États-Unis en Libye, tuant quatre personnes dont l’ambassadeur américain, en même temps que des casseurs pénétraient l’enceinte de l’ambassade américaine au Caire. Leur motif allégué, l’outrage après la diffusion de la bande-annonce d’un film dépeignant le prophète Mohammed comme un pédophile, un homosexuel, un assassin et un adultère. Les premiers échos attribuaient le film à Sam Bacile, un producteur israélo-américain ayant financé le film à l’aide des dons de 100 riches Juifs.

La réalité est plus étrange. Le producteur est un américain copte du nom de Nakoula Basseley Nakoula, âgé de 55 ans, déjà condamné pour fraude. Les acteurs avaient été engagés pour un film de série Z appelé « Desert Warriors » et ignoraient tout du montage et du doublage (très maladroits) qui avaient été faits sur le matériel tourné pour en faire la vidéo au centre de la crise. Même si la vidéo se dit être une bande-annonce, il n’existe aucune trace d’un film complet.

Quant aux protestations, elles ne sont ni spontanées ni représentatives du plus grand nombre. En Libye, le groupe Ansar Ash-Sharî’a s’est servi des manifestations comme couverture pour une attaque à l’arme légère et à la roquette. Partout, les protestations sont le fait de groupes relativement restreints de musulmans radicalisés. Sans le vouloir, ceux-ci jouent le jeu des producteurs du film, qui désiraient que l’islam paraisse une religion fondamentalement violente et dépravée. Les manifestations pacifiques en Libye en souvenir de l’ambassadeur américain, en comparaison, n’auront jamais obtenu la même visibilité. La rapidité de diffusion des contenus, loin d’atténuer les travers des humains, peut au contraire les renforcer : les rumeurs deviennent vérité, l’émotion voyage plus vite que la raison, et les idéologies assassines trouvent un nouvel écosystème qui récompense leur simplicité.

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