Enlèvement d’Iguala : Cri à l’injustice

Plusieurs mois, toujours sans nouvelles. La disparition de 43 étudiants mexicains a déclenché un élan de solidarité partout dans le monde et a révélé au grand jour les lourds problèmes du narcotrafic au Mexique.

C’est pourquoi cinq jeunes de Québec, Mexicains, Colombiens et Québécois, ont organisé mercredi soir un concert d’information au Tam Tam Café sur les violations des droits humains au Mexique. Une soirée émouvante qui leur aura permis de récolter 215,65 $. Cette somme sera envoyée aux familles des étudiants, issus de milieux très modestes, afin de les aider à poursuivre leurs recherches de 43 étudiants mexicains disparus le 29 septembre 2014 dans des circonstances douteuses.

C’est un cri d’unité, un cri de rage et surtout d’alerte. « Une alerte à la normalisation de la violence et de la corruption au Mexique », explique Mario Gil, 35 ans, Colombien et organisateur de la soirée. L’homme, qui vit à Québec depuis 11 ans, croit en une « vague de mobilisation dans toute l’Amérique latine ». « Pour moi, l’Amérique latine ne forme qu’une. Je voudrais un soulèvement solidaire contre la corruption de tous les pays de notre Amérique. Et c’est la marche que nous sommes en train d’emprunter. » Un air du Che, donc ? « Une indignation commune, certainement. »

La soirée a réuni poètes, chanteurs, rappeurs, musiciens ou tout simplement orateurs. Marie-Odile Marcotte, coordonnatrice d’Amnistie Internationale à l’Université Laval, était présente. De son côté, elle considère que les Québécois ne sont pas assez informés sur ce qui se passe au Mexique : « Il y a un réel travail de conscientisation des Québécois à faire là-dessus. Pourtant, ce n’est pas si loin. Le Mexique est vu comme un ” tout inclus ” par les Québécois, une destination de vacances pour revenir bronzé. » Elle ajoute : « Comme le croyaient ces étudiants mexicains, c’est à partir de l’éducation et de l’Université qu’on arrivera à faire changer les mentalités, et, à fortiori, les choses. »

Selon Nicolas Villamarin, étudiant en science politique à l’Université Laval qui a prononcé lors de cette soirée un discours poignant sur la responsabilité des autres États vis-à-vis du gouvernement mexicain, « l’État canadien est complice ». Pour lui, le gouvernement Harper pourrait être « beaucoup plus exigeant avec le Mexique. Il signe des accords de libre-échange, mais ne se préoccupe aucunement d’un gouvernement qui est clairement irresponsable… même criminel. » « Ce ne sont pas des accusations faciles », ajoute-t-il, non sans émotions. « Le lien entre le narcotrafic et la politique est expliqué, officiellement. Les médias sont tournés vers la lutte contre le terrorisme, d’accord, mais là, aussi, il s’agit de violation de droits de l’homme.»

« C’est la première fois que les victimes parlent »

« La question est simple : pourquoi on s’attend à ce qu’ils soient morts ? Et pourquoi le gouvernement mexicain s’arrange pour qu’on le croit tous ? Ils ont tout intérêt à nous mentir pour nous désolidariser… », s’interroge Isabel Sanchez, 29 ans, étudiante en design graphique et initiatrice de l’événement. « Ce n’est certainement pas le premier crime, mais c’est la première fois que les victimes parlent. Les gens n’en peuvent plus de l’impunité, ils n’en peuvent plus de se taire. Ils explosent et ils ont raison. On est là pour essayer de leur donner un peu plus de visibilité. »

Accoudés au comptoir, un groupe de Montréalais d’origine mexicaine, le chiffre « 43 » à la peinture rouge sur leur front, sont venus apporter leur soutien à l’événement. Carlos, comme ses amis, estime que les écoles dont faisaient partie les étudiants « constituaient un danger pour l’État », puisque qu’elles réfutent la situation problématique au Mexique. Ayotzinapa (État de Guerrero, sud-est du pays), du même nom que l’école militante où étudiaient les 43, « forme des étudiants qui ont à cœur de changer la société, où le discours révolutionnaire est la norme. Ils en ont payé le prix fort. Mais jamais la mort du Che n’a tué notre idée de la révolution. »

Leur souhait ? « Être soutenus par le plus de monde possible, y compris les gouvernements occidentaux. »

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