Un indien dans la ville

Sipi Flamand est étudiant en sciences politiques à l’Université Laval. Originaire de Manawan, ce jeune Attikamek est également co-porte-parole pour le réseau jeunesse des Premières Nations du Québec et du Labrador.

Dans le cadre de son travail, il a pour mission d’informer les jeunes des Premières Nations sur les enjeux qui les touchent. L’organisation se donne également le mandat de mettre la jeunesse à l’agenda de l’Assemblée des Premières Nations.

« Les chefs disent souvent que l’avenir est dans la jeunesse, mais il faut se mettre en place maintenant pour avoir un avenir meilleur », exhorte-t-il.

Il explique que bien souvent les jeunes ne sont pas écoutés par les conseils de bande. Il y a des gens qui sont formés dans les communautés afin de défendre leurs intérêts sur le conseil de bande: « Nous essayons d’influencer les chefs sur les dossiers régionaux par exemple sur la santé et sur l’éducation », énumère-t-il

L’éducation au coeur des préoccupations

L’éducation est en effet un enjeu qui, selon Sipi, définira l’avenir des Premières Nations au Québec: « Les Hurons, par exemple, sont privilégiés puisqu’ils sont près des villes, mais d’autres communautés, comme Manawan ou Kitcisakik, sont très pauvres. Ils n’ont pas accès  à l’éducation ou à l’électricité. Ils n’ont aucunes possibilités d’avoir des services. Si les gens n’ont pas de services, c’est par manque d’instruction », déplore-t-il.

Pour expliquer ce manque d’instruction, on peut remonter aussi à l’époque des pensionnats. « C’est un problème majeur avec tous les abus qu’il y a eu à cette époque. Cela a des répercussions sur notre génération. Il y a eu une coupure intergénérationnelle entre les enfants qui sont allés dans les pensionnats et leurs parents », explique-t-il.

Ses parents sont allés au pensionnat, mais ses grands-parents ne sont pas allés à l’école. Ils ont vécus dans le bois. C’est en trois générations qu’il y eu un grand bouleversement.

C’est pourquoi l’éducation est si importante pour lui qui a quitté sa communauté pour venir étudier à Québec il y a déjà cinq ans.

Il espère que ses études lui permettront de faire une différence dans sa communauté, voire au gouvernement.

Une loi obsolète

Une chose que Sipi souhaite changer dans la gestion des affaire autochtones est la très célèbre et généralement contestée Loi sur les Indiens. Au-delà du nom archaïque de cette loi, l’organisation des affaires amérindiennes est à l’origine d’un profond mécontentement de la part des autochtones.

« La loi avait comme but d’assimiler les autochtones et aujourd’hui on vit encore ces choses-là. Oui, le gouvernement paye l’éducation, la santé et l’habitation, mais il y a de plus en plus de coupures », détaille Sipi.

Il aimerait même un jour être chef, mais pas dans le cadre trop contraignant de la Loi sur les Indiens. « Je veux être chef à l’extérieur du cadre de la loi. Les chefs sont directement dépendants du ministère des Affaires autochtones. J’aimerais peut-être faire un conseil tribal, c’est plus humain. Moi je changerais toute la loi sur les indiens et je ferais quelque chose d’autre », rêve le jeune Attikamek, le sourire aux lèvres.

Un peuple souverain

La nation attikamek vient également d’affirmer sa souveraineté sur un important territoire au Québec. Cette déclaration fût pratiquement ignorée par le gouvernement du Québec.

Une déclaration vertement critiquée par Sipi, malgré le fait qu’il appuie l’essence de la déclaration : « Ils auraient du affirmer la souveraineté, et non pas la déclarer parce que nous avions déjà la souveraineté bien avant l’arrivée des européens », déplore-t-il.

Il déplore également que la déclaration aie été faite sans avoir consulté la population de la nation : « Ça a été fait sans consultation de la population. Moi je suis en faveur, mais j’aurais consulté la population », explique-t-il.

Il se questionne également sur le fait que la déclaration a été faite auprès du gouvernement du Québec malgré le fait que les Affaires autochtones relèvent du gouvernement fédéral.

Une jeunesse tournée vers l’avenir

« À un moment donné, il va falloir que l’on s’intègre dans la société québécoise et canadienne, mais il faut qu’on garde notre culture et notre tradition pour qu’on puisse avoir une distinction par rapport à l’état ». C’est ainsi que Sipi Flamand envisage l’avenir.

Il note également que les autochtones connaissent toute l’histoire de la société dominante, mais que cette dernière ne connaît rien sur les autochtones. Un pont interculturel serait d’après lui souhaitable afin de tisser des liens entre les différentes nations.

Il déplore le fait que les médias québécois semblent seulement s’intéresser aux aspects négatifs lorsqu’ils parlent des autochtones : « Il y a des choses positives à dire, commes les ententes sur le développemenmt économique et durable » ou encore avec l’ouverture du premier cégep des Premières Nations.

Avec le mouvement Idle No More, on peut voir depuis quelques années que la jeunesse autochtone est en train de se réveiller et Sipi Flamand compte bien être à l’avant-garde afin de relever les défis que les jeunes Attikameks auront à surmonter au 21e siècle.

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