#JeSuisCharlie jusqu’à Québec

Marcher pour la liberté d’expression, c’est être « Charlie » pour les milliers de personnes qui ont pris part à la marche commémorant les attaques de Paris dimanche dernier à Québec. Ils ont emboîté le pas aux organisateurs de la marche; des étudiants de l’association des étudiants chercheurs en médecine (ACCEM-UL) de l’Université Laval. 

La marche s’est ébranlée peu après 11 h de l’Assemblée nationale. En tête, les organisateurs de la commémoration derrière une immense bannière « Je suis Charlie ». Juste derrière, en retrait, les dignitaires. Dépassant la foule de sa tête blanche, Philippe Couillard.

Maude Gratruze, membre du comité organisateur, salue la présence de la classe politique, mais rappelle que l’événement est citoyen : « On est très content que le premier ministre se soit déplacé en tant que citoyen pour soutenir cette cause, mais après, ça reste une marche apolitique donc c’est très bien que cela vienne des citoyens ».

Devant la bannière de tête, Mme Gratuze et les autres organisateurs de l’ACCEM s’activent et guident la marche, un brassard jaune au bras. L’idée spontanée d’organiser cette marche a rapidement dépassé les jeunes organisateurs qui ont également obtenu l’appui du consulat français à Québec.

L’équipe d’organisateur est d’ailleurs très heureuse de la participation du public. « C’est très touchant de voir que les Québécois, non seulement ont montré leur soutien, mais aussi ont été très touchés et ont vraiment compris à quel point on était affecté, et l’impact de ces actes terroristes sur la France et le monde », témoigne-t-elle, émue.

Plus loin, derrière les dignitaires, la foule. Bigarrée et diversifiée, elle est constituée de ces milliers de personnes qui déboulent dans les côtes du Vieux-Québec, dont les pas résonnent avec ceux foulant les grands boulevards parisiens au même moment.

Certains brandissent des crayons en honneur de la rédaction qu’on a décapitée. D’autres brandissent des affiches imprimées sur de modestes feuilles de papier ; « Je suis Charlie, je suis Ahmed », affichent certains. « Nous sommes Charlie », semble affirmer la foule tout d’un bloc. Elle n’a pas besoin de scander des slogans pour démontrer son unité. Son silence suffit.

« Je suis touchée parce que je suis française », indique Magalie Naulin, une Française récemment diplômée de la faculté de droit de l’Université Laval. « Ça se serait passé dans un autre pays, j’aurais été aussi touchée parce que c’est la liberté d’expression qui a été attaquée et c’est ce qu’il y a de plus choquant dans cette folie ».

Au fil de la marche, la foule semble s’interroger : « Comment rendre compte de l’absurdité du massacre de personnes ayant passé leur vie à rire et à dessiner ? À quoi devrait ressembler le cortège funéraire de clowns ? »

En marchant, il est clair que l’heure est au recueillement même si l’ambiance est bon enfant. Dans la foule on discute, on rigole même. C’est dimanche tout de même.

Il y a de nombreux Français qui battent la semelle aux côtés des Québécois. Rémi Bouguet, étudiant en histoire d’origine française, était toujours en France au moment des attentats : « Pour beaucoup de mes compatriotes, ça a été un choc », souligne-t-il. « Cependant, on s’y attendait tout de même un peu. Je ne dis pas qu’on le cherche, ce serait donner justification à leurs actes. On est engagé contre le terrorisme. »

D’après l’étudiant à la maîtrise en histoire, certaines personnes abusent de la liberté d’expression et des valeurs démocratiques : « On accueille des gens et on leur donne une tribune, des gens qui profitent de la liberté qu’on leur donne pour s’exprimer contre, ce qui fait la force et la faiblesse de nos démocraties », déplore-t-il.

Tout comme de nombreux participants à l’événement, M. Bouguet n’est pas un amateur inconditionnel de Charlie Hebdo : « Ces gars-là, ils ont été tués pour quoi ? Ils ont été tués pour des dessins. Il y a des caricatures avec lesquelles on n’est pas d’accord. Des fois, dans Charlie Hebdo, les dessinateurs en ont sorti sur les communistes et moi je suis plutôt à gauche et je trouve qu’ils y vont fort. Je ne penserais même pas envoyer une lettre d’insulte à ces gars-là, encore moins les descendre. Il faut arrêter, nous vivons en république, en démocratie », déplore-t-il.

La marche se termine devant le consulat de la France, tout près du Château Frontenac. Le consul s’adresse à la foule. La Marseillaise, entonnée en cœur, retentit comme un défi. « Liberté ! », scandent certains.

Les gens commencent à battre des semelles, leur résolution tranquillement minée par le froid. Avant de partir, la foule applaudit sa belle unité. Une ronde d’applaudissement étouffée par les mitaines des participants à l’image de cette marche; à la fois tranquille et résolue.

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