Koweït — Le 2 février dernier, les Koweïtiens étaient appelés à élire leurs 50 représentants au Parlement. Les islamistes sunnites ont raflé 23 sièges, et ont formé une alliance avec des nationalistes et des indépendants. La grogne contre la corruption monte, mais le sort des Bidounes [étranger présent sur le territoire koweïtien depuis des années, ndrl] n'évolue pas. Ils ne peuvent toujours pas participer à la vie démocratique du pays, comme l'explique Mariwan Hama-Saeed, spécialiste du Moyen-Orient de Human Right Watch, à Impact Campus.

Le No man's land des Bidounes

 

Impact Campus : Pourquoi les Bidounes ne sont pas considérés comme des citoyens à part entière?

Mariwan Hama-Saeed : En fait, certains d'entre eux étaient sur place avant même que le Koweït devienne indépendant en 1961. Le problème, c'est que la plupart des Bidounes n'ont pas pris part au recensement, car ils n'avaient pas l'éducation pour comprendre l'importance d'être enregistré, ou ils n'y ont juste pas fait attention. Pendant un temps, ils étaient considérés comme des “résidents sans nationalité”. Avec la Guerre en l'Irak [NDLR: 1990-1991], leur situation s'est dégradée et ils portent aujourd'hui le titre de “résidents illégaux".

 

IC : Les Bidounes ont-ils manifesté en 2011, année du Printemps arabe?

M. H.-S. : En février 2011, les Bidounes se sont soulevés pour demander au gouvernement d'accepter de leur donner la citoyenneté koweïtienne. Les autorités avaient alors promis de faire un pas en ce sens, mais le problème, c'est qu'elles n'ont rien fait de significatif jusque-là. Dans le même temps, les manifestations ont été éparpillées et réprimées violemment. Les manifestants étaient battus et emprisonnés brièvement. C'est sûr que les manifestations étaient moins importantes que dans les autres pays arabes, mais c'est parce que le Koweït est un petit pays. Par ailleurs, la situation au Koweït est un peu différente ; les manifestants ne demandaient pas un changement de régime, juste que le gouvernement tienne ses promesses. 

 

IC : Est-ce que les Bidounes sont retournés dans la rue pour se faire entendre juste avant les élections?

M. H.-S. : La dernière manifestation a eu lieu le 13 janvier dernier. Malheureusement, les autorités ont interdit cette manifestation, car, d'après la loi koweïtienne, seulement les Koweïtiens ont le droit de manifester dans le pays. D'ailleurs, des douzaines de Bidounes ont été arrêtés. Il y a actuellement 70 manifestants en prison ou en garde à vue. De plus, une douzaine de Bidounes sont procès ; la charge principale retenue étant celle de “réunion illégale”.

 

IC : Les Bidounes sont-ils supportés par le reste de la population du Koweït?

M. H.-C. : En général, les Bidounes sont supportés par de nombreux Koweïtiens. Les citoyens koweïtiens ont de la sympathie pour eux, car les Bidounes vivent dans ce pays depuis des années, ils ont servis dans l'armée et le font toujours.

Certains Koweïtiens, les plus activistes d'entre eux, ont même manifesté avec les Bidounes. En fait, certaines des personnes arrêtées sont des citoyens koweïtiens, et même parfois viennent de l'étranger. Par ailleurs, il y a de nombreuses organisations locales sur place qui défendent les droits des Bidounes. 

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