Alors que la Belgique entame son huitième mois de stagnation politique, le mécontentement des étudiants est de toute évidence de plus en plus palpable.

Les étudiants en ont marre

La Révolution des frites, qui se voulait un clin d’œil humoristique à la Révolution tunisienne du Jasmin, visait à clamer ce désir de changement des populations, autant francophones que néerlandophones, dans un pays qui détient désormais le record du territoire ayant vécu le plus longtemps sans gouvernement. Un «exploit» jadis détenu par l’Irak.

Le slogan, scandé par les masses, se voulait évocateur de l’inquiétude et de l’exaspération des étudiants: «Se diviser? Pas en notre nom!» Selon l’un des organisateurs de l’événement, Jean-Gabriel Vermeire, ce sont les politiciens eux-mêmes qui fragmentent la population belge. «Qu’il y ait des problèmes en Belgique, c’est normal. Mais que les dirigeants cessent d’accuser les citoyens d’être divisés et de dire que c’est pour ça qu’on n’a pas de gouvernement! Malgré nos différences, on peut s’unir.»

Dans le groupe des manifestants, Marie Teietkuil, vêtue et maquillée aux couleurs de la Belgique, s’insurgeait de la situation. «Ce n’est pas normal d’avoir un pays sans gouvernement! Certes, pour l’instant, ça ne change rien dans la vie quotidienne. Les gens seront plutôt touchés sur le long terme. Et ça, c’est inquiétant!»

Les organisateurs se disaient quant à eux surpris de la popularité de la mobilisation. «Je n’ai jamais vu autant d’étudiants dans une manifestation organisée en si peu de jours. Je pense que si les citoyens se bougent, on va commencer à mettre une pression de plus en plus importante», s’est réjoui M. Vermeire.

Pour l’occasion, un mur des Lamentations en forme de frites avait été installé, sur lequel les participants étaient invités à réagir à la crise politique en rédigeant leurs espoirs ou leurs appréhensions. Animation, danses et chansons étaient également au programme.

L’organisation de l’événement ne semblait toutefois pas faire l’unanimité auprès des manifestants. Une étudiante se désolait de voir certaines associations de l’Université Catholique de Louvain vendre des boissons alcoolisées sur la Grand-Place. Selon elle, «il y a déjà eu suffisamment de controverse au sujet des étudiants belges qui consomment trop de bières. Le fait de boire tout en manifestant fait perdre du sérieux aux revendications.»

Carole Mularski désapprouvait quant à elle l’idée qu’ont eue les organisateurs de placer des portraits de politiciens sur lesquelles les manifestants pouvaient lancer des fléchettes. «Je trouve que le message perd de son sérieux avec l’idée des politiciens pris pour cibles. Nous les appelons à prendre des décisions importantes qui auront des conséquences sur l’avenir de la Belgique, et nous les tournons au ridicule en même temps! Encore une fois, nous nous faisons passer pour des clowns ne cherchant qu’une occasion de plus pour faire la fête! Nous ne célébrons pas l’absence de gouvernement, nous la déplorons!»

Outre Louvain-la-Neuve, plusieurs manifestations étudiantes ont eu lieu à travers la Belgique, en particulier à Bruxelles, Gand, Anvers et Liège. Au-delà de ces évènements, l’impasse politique de la Belgique a inspiré de nombreuses idées à saveur humoristique. Il y a deux semaines, la sénatrice Marleen Temmerman proclamait une grève du sexe, tandis que l’acteur Benoît Poelvoorde invitait la gent masculine à se laisser pousser la barbe tant que la crise n’était pas réglée. Lieven Pauwels, un résident de Gand, a participé à ce mouvement de mobilisation, puis a abandonné au bout de quelque temps, par baisse d’intérêt pour la politique belge. «Beaucoup de gens comme moi ont cessé de se soucier de la situation. Les politiciens se laissent aller à des enfantillages!», a-t-il conclu.

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