Mourir pour le foot

Les grands chantiers entourant la coupe du monde de soccer de 2022 au Qatar sont lancés dans la controverse : au moins 44 ouvriers sont décédés sur les chantiers du richissime émirat, où règne un climat de terreur.

Violations des droits des travailleurs, travail forcé, voire esclavagisme… Les accusations sont nombreuses envers le Qatar, petit pays coincé entre le golfe Persique et l’Arabie saoudite. L’émirat, d’une superficie comparable à la région de la Capitale-Nationale au Québec, dispose d’incroyables ressources pétrolières qui lui confèrent une influence mondiale démesurée pour sa taille – au point même de convaincre en 2010 le comité exécutif de la FIFA d’y tenir la Coupe du monde de football de 2022. Il s’agira alors de la première Coupe du monde se tenant dans une dictature depuis 1978. Pour réaliser cet objectif de taille, l’État qatari n’a pas lésiné sur les moyens : on estime qu’environ 1,5 million d’ouvriers étrangers seront embauchés pour construire les stades, routes, ports et hôtels nécessaires au bon déroulement de l’événement sportif. De ce nombre, environ 40 % sont originaires du Népal, où les conditions de vie misérables les poussent à parcourir des milliers de kilomètres pour travailler sur les chantiers qataris.

Esclavagisme et travail forcé

Un document secret révélé au journal britannique The Guardian révèle qu’au moins 44 Népalais ont été tués au travail cet été. À ce rythme, The Guardian a estimé que plus de 4000 ouvriers immigrés pourraient mourir pendant l’organisation de l’événement. Menant l’enquête au pays de l’or noir, le journal londonien a découvert une situation d’exploitation systématique des travailleurs migrants, qui représentent 90 % de la main-d’œuvre. Dans ce qui est qualifié de « prison à ciel ouvert », on oblige les ouvriers à travailler par des chaleurs de plus de 50 °C, en leur refusant l’eau potable. Entassés à 12 dans des chambres d’hôtel insalubres où règnent les maladies et infections, les immigrés n’ont aucun droit. Leur passeport est confisqué et leur salaire saisi par l’employeur, auprès de qui de nombreux travailleurs se sont endettés – à fort taux d’intérêt – pour payer leur voyage depuis l’Asie du sud. Toutes ces violations des droits de la personne embarrassent le comité exécutif de la FIFA, dont l’intégrité de plusieurs membres a été mise en doute après les révélations de corruption lors du vote pour la Qatar.

Le Qatar pourrait perdre la Coupe du monde

Aujourd’hui, la FIFA semble regretter sa décision d’avoir opté pour cette monarchie absolue dirigée exclusivement par l’Émir et les membres de sa famille rapprochée. « Le choix du Qatar pour organiser le Mondial en 2022 est préoccupant », a exprimé le porte-parole de la puissante fédération internationale de football. « L’idée d’un nouveau vote n’est pas encore sur la table, mais habite l’esprit de tout le monde », a confié un ex-salarié de la FIFA au quotidien Le Monde. Or, l’enjeu dépasse de loin l’esprit sportif : derrière le championnat international du Mondial se cachent de puissants intérêts géostratégiques. En Europe, des fédérations nationales de football ont reçu la consigne d’appuyer le Qatar, pays qui entretient d’importants liens économiques avec l’Occident grâce à son pétrole. En attendant, la voix des organisations de défense des droits humains s’élève pour demander combien de personnes devront perdre la vie pour assurer la tenue de ce rendez-vous sportif international.

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