Les Pakistanais dans l’étau de la guerre

Diplômé de philosophie à l’Université Laval et ancien correspondant pour l’Agence France-Presse, Guillaume Lavallée, désormais professeur à l’UQAM, dévoile son deuxième livre Drone de guerre : Visages du Pakistan dans la tourmente.

Après avoir complété un baccalauréat en philosophie à l’Université Laval, Guillaume effectue de nombreux voyages, notamment au Kosovo pendant la guerre en 1998. Il effectue ensuite une maîtrise en philosophie politique sur le monde arabe au Liban.

De retour à Québec, Guillaume bifurque vers des études en journalisme international. Son diplôme d’études supérieures en poche, il devient chef de bureau à l’AFP au Soudan, où il produit son premier ouvrage en 2012 Dans le ventre du Soudan : chronique des derniers jours d’un géant, finaliste au prix Albert-Londres.

Guillaume cumule ensuite les expériences à l’international en tant que correspondant étranger pour le Pakistan et l’Afghanistan jusqu’en 2015. Depuis l’an dernier, Guillaume enseigne le journalisme à l’UQAM.

En zone de guerre

Cette fois-ci, Drone de guerre rassemble les périples du journaliste de 2012 à 2015 à travers le Pakistan, tout juste après l’invasion occidentale en Afghanistan. « Quand tu es correspondant, tu fais beaucoup de textes. Chaque texte est comme un morceau de casse-tête. À la fin, tu aimerais mettre ensemble les pièces et faire un tout pour donner une image du pays tel que tu l’as vu et que les gens t’ont raconté », précise Guillaume Lavallée.

Dès le début, le livre plonge le lecteur au cœur des tensions: de nombreux talibans sur le territoire afghan se sont réfugiés dans les montagnes en 2001, de l’autre côté de la frontière, chez les Pachtounes. Devant l’impossibilité de déployer des forces armées sur le sol, les États-Unis relâchent donc des drones du ciel visant les membres d’Al Qaïda et, par dommage collatéral, de nombreux civils. Parsemé de récits de vie touchants, le livre demeure une clé incontournable pour comprendre le conflit dans les zones tribales, lieu fort des talibans, mais aussi les bouleversements dans la vie de millions de Pakistanais.

« C’est l’histoire d’une guerre non déclarée, mais létale qui se joue entre les États-Unis au ciel, des djihadistes et l’armée pakistanaise au sol, et une population azimutée au carrefour de ces forces », peut-on lire dans Drone de guerre.

Peuple hétérogène

Parcourant chaque région du pays, d’Islamabad à Karachi, c’est à travers des rencontres bouleversantes que Guillaume raconte le quotidien d’hommes, de femmes et d’enfants après le 11 septembre. Essai journalistique à saveur anthropologique, l’auteur tenait avant tout à mettre en valeur la réalité pakistanaise sur le terrain. C’est bien la force du livre de présenter des témoignages provenant d’autant d’acteurs : poètes, figures politiques, médecins, chefs tribaux et même des gangsters. En effet, l’ouvrage vient nuancer la vision monolithique de ce peuple, méconnu ici au Québec.

« Il y a eu beaucoup de livres sur les actions du gouvernement, mais on oublie les gens, le peuple pakistanais et les peuples locaux. Il n’y a personne qui parle de leur souffrance, comme si ça ne pouvait pas exister », explique Guillaume.

Celui-ci met en lumière des facettes moins abordées du pays comme la culture, l’éducation, la santé, la politique, l’urbanisation et le rôle des médias dans la société pakistanaise.

Un défi quotidien

Dans son œuvre, Guillaume aborde la question du rôle du journaliste à l’étranger, en le qualifiant « d’usine à chocs de civilisation ».

« Quand tu tweet une nouvelle sur le blasphème, le cas d’Asia Bibi par exemple, ça fait réagir beaucoup en Occident. Tu vois que ça revient et que les gens disent que ce sont tous des fous. Hey, mon texte ne dit pas ça! Tu essaies de faire ton travail honnêtement dans ton bureau, mais c’est reçu complètement autrement à l’autre bout du monde. Ça peut justifier des mesures anti-immigration et entretenir un discours que tu n’as pas voulu », s’indigne-t-il.

Malgré cet aspect du métier, le jeune professeur conseille aux journalistes en herbe de constamment exercer leur « empathie critique », c’est-à-dire de faire preuve de compassion face aux victimes d’un conflit et de rester rigoureux dans leur collecte de données.

Le professeur devrait annoncer la création d’un fond québécois pour les journalistes à l’international dans les prochaines années.

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