Plongeon dans la guerre civile

Vendredi dernier, le colonel Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis plus de 42 ans, s’est exceptionnellement montré en public au cœur d’une manifestation tenue par ses partisans. Du haut d’une muraille, et flanqué de ses gardes de sécurité, il a invité les Libyens à mettre dehors « les menteurs » qui ont instigué la révolte.

La vidéo de cette réunion improbable, transmise à la chaîne de médias arabe Al-Jazzera, contraste pourtant avec le climat de terreur qui règne partout en Libye. Benghazi, deuxième ville du pays, est désormais aux mains de rebelles qui y ont créé un conseil autonome. La réponse de Kadhafi : bombardements aériens sur toutes les positions rebelles. Pourtant déjà, Tripoli n’est plus maître du pays. Une bonne partie du nord-est, région riche en pétrole, est désormais hors de son contrôle, créant ainsi une véritable commotion sur le marché du pétrole. La baisse de production, estimée par Reuters à 75% aurait fait monter le prix du baril jusqu’à 120 dollars, soit son plus haut niveau durant la crise de 2008. De fait, une majorité de compagnies pétrolières opérant au pays ont complètement suspendu leurs activités.

À Washington, le président Obama a rapidement condamné « l’usage de la violence par les autorités libyennes », tandis que l’Union Européenne étudie activement une liste de sanctions à imposer au régime, parmi lesquelles suspension de visa officiel, interdictions de ventes d’armes et gel des investissements. Le Conseil de Sécurité de l’ONU a voté samedi une résolution condamnant Kadhafi pour crimes de guerre.

Bien que cela compte pour peu chez les Libyens exténués par plus de 40 ans de répression armée, le régime de Kadhafi est maintenant plus isolé que jamais. Le dictateur semble enfermé dans la négation et multiplie les accusations, arguant par exemple que les rebelles « sont des jeunes de 17 ans à qui on a donné les pilules hallucinogènes ».

Même au sein de l’armée, le soutien est discuté : deux pilotes d’avion de chasse mirages ont fui vers l’île de Malte, refusant d’obéir aux ordres de bombardements sur les villes capturées par l’opposition. Les liens avec l’étranger ont tous été pratiquement rompus alors qu’Internet était massivement bloqué sur le territoire national. Selon les témoignages, Kadhafi aurait également appelé au renfort des mercenaires sud-africains, payés « 1000 $ pour chaque Libyen tué ». Première véritable contre-révolution aux mouvements d’oppositions arabes, la guerre lancée Kadhafi contre son propre peuple apparaît aux observateurs internationaux comme les derniers soubresauts d’une époque.

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