Tendance insaisissable

Malgré les analyses parfois redondantes des médias, la campagne présidentielle de 2008 suscite l’intérêt de plus de 90 % des Américains. En comparaison, à la même période en 2004, à peine plus de la moitié d’entre eux affirmait suivre de près la campagne électorale. Le taux de participation record aux primaires et aux caucus lors de la première moitié de l’année témoigne du vif intérêt des Américains pour la campagne de 2008. Cette affluence sans précédent aux urnes lors des primaires est d’autant plus surprenante que le processus de nomination des candidats est assez méconnu, même chez les citoyens états-uniens. En effet, comme l’a expliqué le professeur Panagopoulos, également analyste pour le réseau NBC, le mode de sélection du candidat à la présidence varie selon le parti et selon l’état. Certains états optent pour un scrutin général où tous peuvent voter, alors que d’autres réservent ce droit de vote aux membres enregistrés du parti en question.

En plus du scrutin traditionnel, que l’on appelle une «primaire», il y a aussi des caucus qui se tiennent dans quelques états. Le déroulement de ceux-ci est long et parfois éreintant. L’année 2008 aura toutefois enregistré une participation record à ces caucus, même si la complexité du processus de sélection des candidats a semé beaucoup de confusion chez les électeurs, ces derniers ne sachant pas toujours s’ils avaient le droit d’y participer ou non. De plus, le taux de participation étonnamment élevé aura déjoué les organisateurs des primaires et des caucus, qui ont parfois manqué de bulletins de vote… ou d’espace!
Le professeur Panagopoulos prédit une participation tout aussi importante lors de la présidentielle du 4 novembre prochain en avançant le chiffre de 60 %. Impressionné par le vif intérêt de la population américaine, il l’est d’autant plus par l’attention accordée aux élections américaines à travers le monde, notamment au
Canada.

Un changement dans les enjeux
Les centres d’intérêt de la population ont eu leur lot de changement lors de la campagne et sont encore aujourd’hui en mouvement. M. Panagopoulos cite la guerre en Irak, qui était, en septembre 2007, l’enjeu principal de l’élection présidentielle de 2008, alors qu’aujourd’hui, à peine 12 % des Américains sont toujours de cet avis. C’est maintenant la crise économique qui préoccupe essentiellement la population: 53 % des Américains qui affirment qu’il s’agit de la priorité.

M. Panagopoulos croit que ce déplacement des enjeux constituera un désavantage pour la campagne du candidat républicain John McCain. En effet, selon les résultats d’un sondage qu’il a présenté lors de sa conférence à l’Université Laval, le démocrate Barack Obama obtient la confiance d’un plus grand nombre d’Américains en ce qui a trait à l’économie. Depuis l’intensification de la crise, l’avantage d’Obama a augmenté, passant de cinq points le 7 septembre dernier à douze points le 22 septembre. Selon le même sondage, Obama a aussi obtenu la confiance de la population concernant l’enjeu de la guerre en Irak : le 7 septembre McCain avait un avantage de dix points, alors que le 22 septembre c’était plutôt Obama qui menait par quatre points.

L’imprévisibilité du résultat de la présidentielle de 2008 est aussi due à certaines retenues des électeurs américains qui demeurent légèrement taboues, notamment dans les médias canadiens. Selon M. Panagopoulos, il y a encore des Américains qui ne voteront pas pour un homme de race noire. D’autres refuseront de voter pour une femme vice-présidente. Cette réalité n’est pas représentée dans les sondages de façon juste, puisque les électeurs sondés sont parfois réticents à l’admettre. Cependant, dans l’anonymat du bureau de vote, qui sait ce qui se passera?

Le spectre de Bush
À la question de savoir si les sondages sont biaisés par l’impopularité de George W. Bush à la défaveur du candidat républicain, le professeur Panagopoulos soutient qu’ils le sont peu. «À ce moment là, Obama devrait être 20 points en avance!» réplique-t-il. Toutefois, il admet que l’insatisfaction à l’égard de Bush demeure un obstacle important pour McCain. Anessa Kimball, professeure de science politique à l’Université Laval, affirme qu’il s’agit d’un défi majeur pour le sénateur de l’Arizona. «Les gens vont faire un lien entre les deux», a-t-elle mentionné. McCain aurait alors tout intérêt à se distancer de Bush. Elle ajoute toutefois que c’est une arme à double tranchant, car les républicains purs et durs pourraient voir cette dissociation comme une distanciation du parti.

C’est à ce moment que le choix de Sarah Palin comme colistière s’avérera peut-être judicieux pour John McCain. La gouverneure ultra-conservatrice de l’Alaska pourrait rallier la droite républicaine le jour de l’élection. Cependant, à la lumière des derniers évènements qui ont touché l’économie américaine, Panagopoulos souligne que l’inexpérience de Palin jouera contre elle.
 

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