Courtoisie : Wikimedia, Rafael Matsunaga, Creative commons

Une histoire de taux

La justice américaine soupçonne un mécanisme de collusion dans la détermination d’un taux obscur, l’ISDAfix, qui intervient dans un marché de 379 000 milliards de dollars : les contrats d’échange de taux d’intérêt.

Jérémie Lebel

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La forme la plus simple de contrat d’échange de taux d’intérêt (« interest rate swap ») est lorsqu’un investisseur a contracté un prêt à taux variable et souhaite le changer pour un prêt à taux fixe. Ces contrats sont utilisés par des entreprises, des fonds de retraite ou des municipalités pour s’assurer que le taux qu’ils reçoivent sur l’argent qu’ils ont prêté soit suffisant pour qu’ils puissent à leur tour faire les paiements qu’on attend d’eux.

À 11 h chaque matin, 13 grandes banques soumettent à la compagnie ICAP les demandes et les offres pour les contrats d’échange de taux d’intérêt. Les employés d’ICAP, en partenariat avec l’International Swaps and Derivatives Association ( ISDA ) et la compagnie Thomson Reuters, utilisent ces données pour créer un taux appelé l’ISDAfix. Ce taux est projeté sur un écran suivi par quelque 6 000 gestionnaires de fonds qui utilisent les contrats d’échange de taux d’intérêt pour se protéger des variations des taux d’intérêt. Plusieurs produits dérivés ( des instruments basés sur la performance d’un actif ) sont liés à l’ISDAfix.

La Commodity Futures Trading Commission ( CFTC ), l’agence américaine responsable de superviser le marché des contrats à terme, a lancé une enquête pour vérifier si la compagnie ICAP aurait conspiré avec les banques qui soumettent leurs données pour manipuler l’ISDAfix. En effet, le taux est affiché par des employés qui entrent physiquement les données chaque jour, au lieu d’être automatisé. Le moindre délai dans la publication des données peut être une opportunité de profit. Par exemple, sur un swap sur un prêt de 500 millions de dollars qui arrive à échéance dans 20 ans, un délai qui empêcherait l’instrument de changer de 0,01 % rapporterait un profit d’un million de dollars au courtier. Tout dépend de l’entrée des données sur l’écran « 19 901 ».

Le cas de l’ISDAfix rappelle celui, plus connu, du LIBOR ( pour London Interbank Offered Rate ). Ce taux, qui est lui aussi publié sur la base de données soumise par les banques participantes, mesure le taux d’intérêt moyen que les banques estiment qu’elles devront payer pour emprunter aux autres banques. En 2012, la banque Barclays avait dû payer une amende de 290 millions de livres sterling pour avoir conspiré avec d’autres banques pour manipuler le taux en déterminant ensemble les données qu’elles allaient soumettre à la compagnie Thomson Reuters. Le LIBOR sert de taux de référence pour des instruments financiers dont la valeur totale est estimée à 360 000 milliards de dollars.

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