A Ghost Story : souvenir d’une vie passée

Que reste-t-il de nous après notre mort ? Laissons-nous une trace palpable ou un simple souvenir éthéré ? Sommes-nous condamnés à l’oubli, à l’estompement lent, mais inéluctable de la mémoire des hommes ? Dans son film, A ghost story, le réalisateur David Lowery tente de répondre à ces questions à travers l’histoire d’un individu récemment décédé qui revient hanter sa maison. Désormais prisonnier entre quatre murs de bois, il devient un spectateur immobile et impuissant devant le passage du temps, métaphore de notre propre position face à l’écran. 

Par Camille Sainson, journaliste collaboratrice

Vêtu d’un simple drap blanc à l’aspect délavé, notre fantôme n’est plus qu’un souvenir fragile, une ombre qui s’accroche à son existence passée, aux seuils qu’elle a foulés, aux meubles qu’elle a touchés, à l’air qu’elle a respiré. Le caractère éphémère de nos actions terrestres nous submerge, nous sommes acculés devant l’inanité de la vie. Triste reflet de ce qui nous attend peut-être, David Lowery parvient toutefois à ne pas tomber dans le mélodramatique. Au contraire, il nous embarque dans un voyage solitaire et poétique, au format 1:33, pour resserrer le cadre et ainsi donner un ton suranné à l’image. 

La maison devient, quant à elle, un personnage à part entière. Vestige des vies qui l’ont habitée, elle est le pivot d’une rotation affolante où se mêlent temps passé et temps futur. Centre de gravité du fantôme, elle incarne la sécurité d’un port au milieu d’une tempête, le réconfort de l’âtre brûlant au cœur de l’hiver. Au-delà de l’histoire d’amour qui lie nos deux protagonistes, c’est le choix du réalisateur de tourner en huis clos qui érige le lieu en réel élément de l’intrigue. Alors que la femme finit par déménager et que de nouveaux locataires investissent l’habitation, seul notre spectre attend, « jusqu’à ce qu’il n’y ait plus rien à attendre : que vienne la nuit, que sonnent les heures, que les jours s’en aillent, que les souvenirs s’estompent ». Les mots de Georges Perec semblent s’accorder parfaitement à la mélancolie du personnage, à cette attente interminable, attente du retour de l’être aimé, d’un morceau de papier dissimulé entre deux murs, d’un moyen de faire le deuil de sa propre vie et d’accepter sa mort.  

Survivance d’un passé désormais oublié, notre fantôme s’éternise dans l’espace de cette maison comme une dernière ombre, un dernier écho, ne laissant derrière lui aucun héritage, seulement quelques traces de pas sur le point d’être effacées par l’océan des âges.

 

Crédits photo : Métropole Films Distribution

Consulter le magazine