Mon homosexualité entre embûches et épanouissement

Je fréquentais l’école primaire qu’on m’intimidait déjà à propos de ma présumée orientation sexuelle. Comprenez bien qu’à l’âge de sept ans, je n’avais pas du tout conscience de mon attirance émotionnelle, physique ou sexuelle vis-à-vis une personne du même sexe que moi. De la souffrance, aux questionnements, au combat contre moi-même, aux difficultés, jusqu’au bien-être, mon homosexualité n’a probablement rien d’exceptionnelle. Mais c’est la mienne, et je réfléchis abondamment à la personne que je suis devenue au fil des ans, marquée par ce trait inné.

Par collaborateur anonyme

Je me souviens encore, comme si c’était hier, du temps où j’étais à la maternelle et où je m’amusais avec des Barbies en compagnie des autres fillettes. Ou encore des nombreuses heures passées à visionner les films de princesses. Mon préféré, c’était La petite sirène de Disney. Alors plongé dans mon innocence de petit garçon âgé de cinq ans, mes parents devaient bien se douter, qu’un jour ou l’autre, je leur annoncerais mon attirance envers les hommes. Ça me fait sourire d’y penser aujourd’hui, bien que ma mère et mon père devaient vivre avec certaines craintes face à ce pressentiment. D’ailleurs, je ne suis pas en train d’affirmer que tous les hommes homosexuels ont joué à la poupée ou regardé des Disney Princess enfant. Je partage simplement mon état d’esprit concernant la façon dont j’ai vécu et je vis mon orientation sexuelle.

De l’intimidation aux premiers questionnements

Ils auraient donc voulu que je leur dise : « Oui, j’aime les garçons ». Ces camarades de classe qui m’abordaient dans la cour de récréation et qui me demandaient si j’étais gay ou si j’aimais les pénis, alors qu’ils ne savaient à peine de quoi il était question. Pour les enfants en bas âge, la sexualité ou l’attirance physique vis-à-vis une personne ne sont pas des choses auxquelles ils prennent nécessairement le temps de réfléchir, surtout avec une certaine maturité. Je leur répondais alors que non, et je continuais ma journée avec cette carapace qui a fini par se forger à coups de propos douteux et le plus souvent, blessants. Blessants, parce qu’ils sont sortis de leurs bouches pour me ridiculiser ou me rabaisser.

Au début de mon secondaire, alors que mes premières pulsions sexuelles apparaissaient, j’étais encore victime d’intimidation, mais à un autre niveau, avec des mots plus crus : « fif », « tapette », « pédé » et j’en passe. Entre deux cours, certaines personnes prenaient un malin plaisir à me crier dans la cage d’escaliers, ce que je redoutais parce qu’il ne fallait pas que je donne raison à mes agresseurs en étant aux hommes. Si bien que dès mes premiers désirs pour d’autres hommes, j’ai tenté de les refouler pour me convaincre que c’était passager et qu’ils allaient avoir tort. Mais la raison a fini par l’emporter et je me suis résigné en quelque sorte à accepter ma nature. Tout un cadeau que je me suis fait à l’âge de quinze ans!

Le coming out, l’expérimentation Cette étape quasi obligée, du moins pour ma part, où j’allais devoir souffrir d’une angoisse totale pendant que j’annonce à ma mère et mon père mon attirance pour les hommes : le fameux coming out ou la sortie du placard, si vous préférez. J’avais lu des histoires où certaines personnes ont eu une mauvaise expérience, d’où ma peur.

Un matin de février, en 2014, j’ai pris la décision d’en parler à ma mère, mais pas sans un certain manque de « courage ». Même si je savais qu’elle allait bien réagir, je ne me sentais pas capable de lui exprimer verbalement que je suis homosexuel. Vous me voyez peut-être venir : je lui ai envoyé un texto. Un simple paragraphe où je lui disais directement mon attirance pour les hommes. Je n’ai pas pu y échapper, elle est partie du boulot pour revenir à la maison afin que nous en discutions. J’ai vraiment apprécié sa compréhension et son élan d’amour. Un réel baume sur mon cœur de constater à quel point, peu importe la personne que je suis, elle sera toujours ma mère et m’aimera inconditionnellement. Pour ce qui est de mon père, je lui ai dit quelques mois après, comme je me sentais moins prêt. Mais sa réaction a été la même que celle de ma mère : une acceptation incroyable et un amour encore une fois sans limites.

Mon départ de la maison familiale après l’obtention de mon diplôme d’études secondaires a été un tournant dans ma vie, surtout en tant qu’homme homosexuel. Ottawa m’attendait à bras ouverts, m’offrant une certaine liberté au niveau de mes relations. J’y ai eu mes premières expériences avec d’autres hommes. Des hommes qui aimaient mon corps, mon physique assez mince. D’une certaine manière, j’ai pris goût à pouvoir attirer d’autres hommes, grâce à mon physique qui correspond aux critères de la communauté gay. Précision, c’était mon thinking de la chose, de l’attirance entre deux personnes. Ça m’a rendu malade, d’une certaine façon, et vous comprendrez bien vite pourquoi. Pour maintenir mon poids, qui était anormalement bas, je me privais de manger les traditionnels trois repas par jour. J’étais réellement conditionné, peu importe ce que mes proches me disaient pour tenter de me convaincre de reprendre une alimentation équilibrée. Mais bon, j’avais ce
que je croyais être important dans ma vie : je plaisais. J’ai été pris dans cet engrenage pendant au moins trois ans.

Québec, anxiété, recentrage

Mes deux années à Ottawa ont été épouvantables pour l’équilibre dans ma vie. En fait, j’en n’ai jamais réellement eu. J’avais besoin de changement, de respirer dans une autre ville, c’est pourquoi j’ai choisi Québec pour amorcer mes études universitaires. J’ai eu la chance d’y faire quelquesunes des plus belles rencontres de ma vie, tant en amitié qu’en amour, bien que je n’aie jamais été en couple officiellement. Certains garçons que j’ai fréquentés m’ont fait comprendre que je suis plus qu’un corps qui doit répondre aux critères d’une société ou d’une communauté. Ça m’a été très libérateur. J’ai pu me connecter à mes réels sentiments, à ce que je souhaite réellement être et devenir comme personne.

Je souffre d’ailleurs d’anxiété plus généralisée depuis que je suis à Québec, justement car je me laisse aller en tant qu’être humain ; la pression sociale, dans mes études, mes relations, etc. Cette anxiété m’a permis de me poser les vraies questions quant à mon identité. Oui, je suis homosexuel, mais à part entière. Je n’ai pas à répondre à un modèle préétabli : twink, mince, shape, mâle, etc. Je tente de me dévoiler réellement aux gens qui m’entourent et à ceux et celles que je vais rencontrer dans l’avenir. Un recentrage quoi. Il me permet de me sentir beaucoup mieux, je n’ai plus cette pression à me sentir sexy, attirant pour les autres. Bon, pas toujours facile avec Instagram qui est rempli de modèles masculins, notamment homosexuels, avec des shapes parfaites. Je veux que mes futures fréquentations, mes prochaines rencontres se concentrent sur l’ensemble de ce que j’ai à leur offrir, oui incluant mon corps, mais aussi ma tête, mes intérêts, mes sentiments.

Célébrer l’unicité

Je souhaite terminer ce texte en vous partageant mon vœu : qu’on reconnaisse tout un chacun l’unicité de chaque personne. Parce que oui, nous sommes des êtres uniques sur cette planète de plus de sept milliards de personnes. Il me semble que ça réglerait plusieurs maux de type mental et d’estime de soi. Notre tête est constamment mise sous pression pour tenter de ressembler à ce que nous pensons être la perfection ou ce que la majorité veut. Du moins, à mon avis. Si vous arrivez à ne pas entrer ou n’êtes jamais entré dans cette game, c’est tout à votre honneur. Souhaitons-nous pour l’avenir d’aimer ce que nous sommes vraiment sans aucun moule qui soit.
Enjeux

Consulter le magazine