First man, un exil solitaire à plus de 300 000 km de la terre

Alors que la surface de la Terre n’est plus qu’un léger point bleu au milieu de l’obscurité, un sentiment de vide nous parcourt. À mille lieues de notre planète, que nous reste-t-il ? C’est ce que nous propose de découvrir Damien Chazelle dans son dernier film en date. Loin de l’univers musical de Wiplash ou de Lalaland, le réalisateur s’attaque ici à un personnage historique : celui de Neil Armstrong. Un seul but pour notre héros, arriver à faire le deuil de sa fille; un seul moyen d’y parvenir, s’embarquer pour la lune.

Par Camille Sainson, journaliste collaboratrice

Alors qu’un tiroir se ferme sur des souvenirs, qu’un lit vide s’impose dans toute sa solitude au milieu de la pièce, que tout lui rappelle son enfant, Neil se plonge dans son travail et se lance dans la formation d’astronaute. Prêt à s’exiler là où règnent le froid et le silence, là où les traces de pas resteront inchangées, là où le vent n’existe pas, où la vie même est un lointain mirage, il enchaîne les entraînements, les déconvenues et les incidents parfois mortels. Le 16 juillet 1969 arrive enfin, l’équipage au complet est prêt à s’élancer pour voguer parmi les étoiles. Le métal oppressant se met à grincer violemment, à hurler presque, tant la brûlure de l’atmosphère est éprouvante. Dernière tentative pour la Terre de garder ses enfants pour elle. 

First Man relate, plus que l’exploit humain et technologique de parvenir à conquérir la lune, le lent travail du deuil sur un cœur en peine. Le soudain vide de l’existence de Neil Armstrong trouve son écho dramatique dans le vide spatial, d’un noir profond, avaleur de lumière. Après avoir aluni, son pied se pose sur de la poussière éternelle, ses souvenirs émergent alors des cratères lunaires, un vestige du passé apparaît, petit bracelet sans poignet. Cet ultime lien avec sa fille, Neil choisit de s’en séparer, de le laisser glisser sur cette mer de la Tranquillité, à jamais.  

Cette histoire de deuil en apesanteur face à une immensité désertique, à l’horizon aussi aride que les veines de notre personnage désormais drainées de toute vie, est accompagnée des mélodies de Justin Hurwitz. La musique mélancolique nous transporte alors dans une lente valse cosmique où les étoiles semblent chanter autour nous. 

Mais cette parenthèse hors du monde doit se terminer. Nouvelle entrée dans l’atmosphère, amerrissage au milieu du Pacifique, rapatriement puis quarantaine. Qu’en sera-t-il de la vie de Neil Armstrong après qu’il ait côtoyé d’aussi près les étoiles ? Pourra-t-il retrouver une vie de famille depuis si longtemps ébréchée ? Damien Chazelle répond subtilement à cette question avec le dernier plan de son film où une simple vitre résume parfaitement l’isolement solitaire et l’éloignement interstellaire qui sépare Neil de sa femme. 

La mer de la Tranquillité est devenue un havre de paix, une terre d’exil pour les voyageurs en quête de sens, un endroit où vie et mort n’existent pas, où le silence est la seule réponse face à l’immensité. 

Crédits photo : Universal Pictures

 

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