Photo par Jonas Jacobsson

Les origines socio-économiques, facteurs déterminants de réussite universitaire

La réussite scolaire n’est pas qu’une question de compétences et d’efforts, la situation socio-économique des étudiants y joue un rôle de premier plan. Lorsque l’on parvient à l’université, tous n’arrivent pas sur un pied d’égalité. Le passé unique et l’origine de chaque étudiant sont des variables de réussite majeures. Pour comprendre davantage comment ces éléments pouvaient affecter la réussite universitaire des jeunes étudiants et comment il est possible d’atténuer les effets de ces variables, nous avons rencontré France Picard, professeure en sciences de l’orientation, Annie Pilote, vice-doyenne à la faculté des sciences de l’éducation, et Charles Fleury, professeur de sociologie.

Par Ludovic Dufour, Journaliste collaborateur

Variables d’accès et de réussite

Étonnamment, le revenu n’est pas l’élément le plus influent de la réussite scolaire. Bien qu’il ait sa part d’influence, le niveau de scolarité des parents affecte davantage la performance. Les étudiants dits de première génération, dont les parents ne sont pas allés à l’université, ne bénéficieront pas des mêmes avantages.

Cette variable se traduit par plusieurs effets différents. D’abord, ceux qui grandissent avec des parents ayant eu une éducation supérieure auront une meilleure aide de ceux-ci. Les parents ayant eux-mêmes suivi ce parcours parviennent à préparer et à aider davantage leurs enfants. Ensuite, le milieu dans lequel ces enfants grandissent est généralement plus riche culturellement. Très jeunes, les enfants favoriseront davantage la lecture et d’autres activités intellectuelles, ainsi l’université devient un milieu plus naturel pour eux. « Ils se retrouvent comme un
poisson dans l’eau », résume madame Picard. De plus, les parents non-diplômés n’ont pas nécessairement les mêmes ambitions pour leurs enfants que les parents diplômés et seront moins tentés de les encourager à suivre une formation universitaire. Autre facteur, à note égale, les enfants de diplômés universitaires tentent leur chance à l’éducation supérieure, tandis que les autres se déqualifient. Les enfants d’origines plus modestes surévaluent à la fois les exigences universitaires et les coûts de l’université.

Un certain calcul coût-bénéfice est fait par les étudiants défavorisés vis-à-vis de l’éducation. Les étudiants moins riches risquent plus financièrement, et si ce sont des étudiants de première génération, ils ont tendance à minimiser les bénéfices de l’université et à surévaluer les risques d’échec.

M. Charles Fleury rappelle qu’au niveau de l’accessibilité, les écoles secondaires fréquentées jouent un rôle majeur. En effet, fréquenter des écoles privées ou des programmes particuliers des écoles secondaires tend à augmenter les chances de se rendre à l’université. On n’explique pas seulement cette réussite par la qualité des
formations, mais aussi par le tri effectué par les écoles et les programmes qui renvoient les étudiants qui présentent des difficultés vers les formations générales de l’école publique.

Mme Pilote rappelle que ces conditions défavorables ne sont pas une fatalité et que, dans plusieurs cas, la famille est un élément de réussite, même si elle dispose de peu de moyens. Elle mentionne qu’on peut noter, dans les études qualitatives, l’aide que les familles peuvent apporter. Dans un cas, c’est le père d’une étudiante qui, bien que n’ayant jamais suivi de formation universitaire, lisait beaucoup et qui lui a servi de modèle intellectuel.

Solutions

Malheureusement, les solutions sont difficiles à appliquer. La plupart des facteurs provenant d’influences familiales, les interventions sont délicates. « C’est la grande question que se posent les sociologues depuis très longtemps ! », résume Mme Pilote. Elle avance entre autres solutions que les interventions en orientation lors du primaire et du secondaire devraient plus inclure les familles des élèves. De cette manière, les parents seraient
mieux informés des cheminements à suivre vers les parcours du cégep et de l’université.

Mme Picard ajoute que ce genre de formation bénéficie aux étudiants qui manquent d’information vis-à-vis de la transition au cégep. Les mesures tremplin DEC permettent aussi une transition vers le cégep avec un accompagnement supplémentaire. Elle note que la plupart des participants à ces programmes sont issus de
milieux défavorisés. Certains cégeps ont des intervenants de corridor. Des intervenants qui recherchent des jeunes qui paraissent seuls dans les corridors durant les cours, alors qu’ils sont en voie de décrocher et ne pensent pas à consulter des intervenants. Elle donne aussi l’exemple de la France, qui accorde des stages dans des universités à certains jeunes défavorisés du secondaire.

Pour sa part, M. Fleury s’alerte du peu d’attention donnée aux programmes généraux des écoles publiques. Les ressources étant surtout dirigées vers les programmes particuliers dans le but de pouvoir rivaliser avec les écoles privées, peu d’efforts sont faits pour motiver les élèves des programmes généraux. Mme Pilote aborde dans le même sens en avertissant que le regroupement des privilégiés dans les mêmes voies scolaires tend à diriger le Québec vers une marchandisation de l’éducation.

Les interventions à l’université

« Il n’est jamais trop tard pour agir », affirme Mme Picard. Plusieurs choses peuvent donc être faites pour aider les élèves moins favorisés. C’est surtout lors de la première année que les étudiants sont au plus à risque d’échouer ou d’abandonner leurs cours. Mettre des mesures d’aide à la réussite permet de rattraper certaines lacunes. Par exemple, un simple contact positif avec les professeurs et le personnel de soutien peut soutenir les élèves dans leurs études. Diversifier les modèles d’évaluation peut grandement améliorer la performance de
certains élèves. Alors que certains peuvent être meilleurs pour la rétention d’informations, d’autres performeront plus lors de projets de sessions.

Mme Pilote ajoute que les institutions d’éducation doivent s’assurer de mettre à dispositions des mesures d’aide pour les étudiants qui en ont besoin, que ce soit des mesures d’accompagnement ou des bourses pour les étudiants qui ont des besoins financiers. Il faut aussi s’assurer que les ressources soient utilisées par ceux qui en ont besoin. Elle prend le cas de l’Université Laval et des ateliers Les Clés de la réussite. Bien que ces programmes soient bien conçus, les étudiants ne sont pas toujours au rendez-vous. Pourquoi ? Peut-être les étudiants sont-ils déjà trop occupés, la communication avec la clientèle cible est peut-être mal établie, l’horaire est peut-être mal adapté. Malgré les bonnes intentions, il faut connaître les réalités étudiantes pour rendre les ressources accessibles. Elle mentionne que l’Université Laval est cependant sur une bonne piste avec plusieurs de ses mesures.

Finalement, M. Fleury rappelle le rôle essentiel des universités dans la recherche, ce qui ultimement permet de faire face aux problèmes d’accessibilités et de réussite scolaire des étudiants issus de ces milieux défavorisés.

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