Photo : Baptiste Mausset
Photo : Baptiste Mausset

En amont du Saint-Laurent, un paysage hydroélectrifié

L’humain, en grand dompteur qu’il est, a rasé des forêts, aplani des montagnes et coulé du béton pour bâtir son empire. Nos territoires sont marqués de ces cicatrices que nous entaillons afin de répondre à nos besoins et envies; mais l’humain n’est pas que destruction, il est aussi création. Et l’empire dont ont rêvé les Québécois.e.s en est un hydroélectrique – ouvrez les yeux et fouillez dans votre mémoire, ceci est une petite balade photo-poético-documentaire au cœur de notre Hydro-Québec national.

Par Sabrina Boulanger, journaliste multimédia

 

RAYURES

Le Québec est rayé de lignes qui acheminent vers le Sud de l’électricité récoltée dans les rivières du Nord et de l’Est

260 000 km de rayures

Une sacrée marinière

Photo : Léizhu Morissette

TOPO HYDROÉLECTRICITÉ

L’énergie hydroélectrique est issue de la conversion de l’énergie cinétique du mouvement de l’eau en énergie mécanique à l’aide d’une turbine, qui est par la suite transformée en énergie électrique par une génératrice. Pour ce faire, on construit des barrages. On peut en ériger qui forment des réservoirs, comme on peut en bâtir au fil de l’eau, c’est-à-dire qui utilisent uniquement le débit de la rivière, donc sans capacité de stockage.

L’électricité que l’on produit doit être utilisée dès que générée. Un gros avantage de l’hydroélectricité, c’est qu’on peut décider de la quantité d’énergie conçue lorsqu’il y a présence de réservoirs hydriques, où le potentiel énergétique est stocké : si besoin est, il n’y a qu’à ouvrir les vannes.

Photo : Baptiste Mausset

 PAYSAGES

Ça fait quand même longtemps qu’ils sont là, les fils et les pylônes, et ces si énormes structures s’immiscent familièrement dans nos paysages.

Les pylônes ponctuent d’angles droits les forêts charlevoisiennes;

Nos regards glissent comme les gouttes de pluie sur les fils qui strient les plafonds des rues;

Les câbles extensionnent les vignes et les branches dans les parcours aériens des écureuils et des oiseaux.

Les barrages altèrent ou façonnent des paysages?

Photo : Baptiste Mausset

ALTERNATIVES

L’hydroélectricité n’est pas soumise aux aléas climatiques comme le sont l’éolien ou le solaire, ce qui fait d’elle une excellente trame stable pour répondre à la demande en énergie. Par contre, il est profitable de combiner les sources d’énergie afin de bénéficier des avantages de chacune; toutes ne sont pas aussi chères et toutes n’impactent pas autant les écosystèmes que l’hydroélectricité. Cette dernière est certes renouvelable, mais elle n’est pas complètement inoffensive pour le milieu où elle est implantée : un barrage peut affecter la flore par la modification du débit de l’eau (stagnation de l’eau), interférer avec les déplacements des espèces migratrices, perturber le transit sédimentaire naturel, inonder les territoires de populations humaines et animales et modifier leur mode de vie lié à la rivière.

Supposant que les besoins en électricité pourraient être à la hausse en électrifiant différents secteurs au profit des énergies fossiles, le dossier n’est pas près d’être clos. Il est donc pertinent de chercher des compléments à l’hydroélectricité. Des compléments et des alternatives, puisque la construction des barrages ne devrait peut-être pas être aussi systématique que ce qu’elle l’a été au cours des dernières années. L’hydroélectricité n’est d’ailleurs pas la seule forme d’énergie à posséder des qualités de stockage ou de stabilité; la géothermie et la biométhanisation sont aussi des procédés qui valent la considération et le développement, par exemple.

Photo : Baptiste Mausset

RÉSERVOIRS

tuméfaction d’un segment de rivière –

une digue contient l’œdème les sédiments la faune la flore

où les arbres pétrifiés sur des sols désormais lacustres

sont des fantômes évoquant un écosystème datant de naguère

Photo : Sabrina Boulanger

ÉCONOMIE ET SOBRIÉTÉ ÉNERGÉTIQUES

Économiser un kilowattheure coûte moins cher que d’en produire un; ainsi, investir dans l’efficacité énergétique s’avère avantageux pour le portefeuille. Ceci s’applique à beaucoup d’endroits : mieux isoler les bâtiments, optimiser et entretenir les centrales électriques déjà existantes, incorporer le chauffage intelligent, concevoir des bâtisses selon des principes écologiques (orientation de la fenestration, chauffage solaire passif, éclairage naturel, refroidissement passif…). Ainsi, avant même de parler de nos habitudes de consommation, il est tout à fait possible d’être économe en énergie.

La sobriété énergétique est pour sa part une pratique visant à réduire sa consommation en énergie et requiert des changements radicaux dans les comportements des particuliers. C’est beaucoup se questionner sur ses réels besoins, parfois choisir les low-techs, et principalement prendre conscience de son impact personnel dans la sphère énergétique.

 

Nous avons de belles avenues à explorer dans les temps à venir, dans le secteur énergétique. Dossier infiniment complexe qui rejoint tant les questions de territorialité et de droits ancestraux autochtones que celles concernant les politiques municipales et internationales. C’est un dossier qui touche la fibre écologique des Québécois.e.s par rapport à nos choix en consommation comme en production d’énergie. Et pour moi c’est surtout un dossier qui alimente bon nombre de réflexions quant à nos choix passés et qui laisse rêver à nos décisions collectives futures.

Photo : Léizhu Morissette
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