Du sain et nécessaire dédain pour le surplace

Un peu plus de trois ans après la parution de son premier album La vie en mauve, l’auteur-compositeur Simon Kearney accueille 2019 avec Maison ouverte, une toute nouvelle sélection de chansons misant sur l’humour pince-sans-rire et léger qu’on lui connaissait déjà, auquel s’ajoute une palette sonore bonifiée par les découvertes musicales et les collaborations diverses. Impact Campus, un journal en constant besoin de réconfort quant à sa jeunesse, a récemment basculé dans le boat, flûte de champagne à la main, pour discuter high life et rock’n roll dans le rétroviseur avec l’artiste originaire de L’Ancienne-Lorette.

Impact Campus : Question on ne pourrait plus classique, mais : comment est-ce qu’on aborde un deuxième album plutôt attendu, comme c’était le cas pour toi après La vie en mauve ?

Simon Kearney : C’est clair que j’avais le goût d’aller ailleurs. J’ai pris de la maturité en jouant avec d’autres artistes dans les dernières années et, sans trop me comparer, j’ai voulu faire quelque chose qui était plus recherché et de qualité, puisque j’ai écouté beaucoup de musique. Mais ce n’était pas en pensant aux futures critiques ou à un potentiel succès commercial, c’était vraiment dans le but personnel de produire quelque chose que j’allais aimer longtemps.

I.C. : Le son de Maison ouverte est, pour une grande partie de l’album, moins organique que celui que l’on retrouvait sur le précédent. Est-ce un apport de ton réalisateur Marc Chartrain ou bien est-ce le fruit de nouvelles influences musicales accumulées entre-temps ?

S.K. : Quand j’ai commencé à travailler avec Marc, à la base, c’est parce qu’on trippait sur les mêmes affaires, les mêmes groupes et styles musicaux. J’ai écouté beaucoup de musique des années 80, 90, début 2000. L’aspect sample, synthétiseurs, c’est quelque chose qui m’attirait et j’ai décidé d’aller l’exploiter encore plus pour cet album-là. Donc, oui, le son a changé, mais ça reste le même songwriting, c’est juste l’enrobage qui est différent.

I.C. : Peux-tu me parler du processus de composition et d’enregistrement du nouvel album ? Étais-tu accompagné des mêmes collaborateurs que pour le premier, a-t-il été enregistré sur du long terme, au gré de l’inspiration, ou plutôt d’un bloc dans les derniers mois ?

S.K. : C’est quand même spécial, parce que l’album a pris plus de temps à se faire. J’ai sorti mon premier album en 2015. Ça fait quand même un bout que je ramasse des chansons et, à vrai dire, j’ai vraiment composé deux albums. Pour une première version, j’avais fait des démos que j’ai fait écouter à mes amis – tout le monde était bien down avec mes nouvelles chansons. Finalement, le processus a pris plus de temps pour des raisons x, puis mes chansons contenues dans le premier démo ont passé dans le beurre, on ne les a pas utilisées. J’ai recomposé un autre album, puis j’ai rencontré Marc, et c’est sur ce matériel qu’on a décidé de travailler ensemble. On a gardé dix chansons, alors que j’ai dû en écrire quarante.

I.C. : Concernant les chansons du premier démo, les thèmes qu’elles abordaient ne te plaisaient plus ? Tu sentais qu’il y avait redite par rapport à ton premier album ?

S.K. : Pour vrai, c’est davantage parce que j’avais encore du temps, alors j’ai continué à écrire. J’ai l’impression que j’ai peaufiné mon écriture et je voulais me dissocier de mon matériel d’avant. J’étais comme pris dans mon rôle de guitariste, avec des riffs, alors j’en ai parlé à mon réalisateur au début du projet et il m’a dit «pourquoi tu n’écrirais pas des chansons à la basse à la place, eu lieu d’être toujours pris avec des gros riffs de guit ?». Ça m’a vraiment libéré. C’est plus simple, j’ai plus de place pour faire des arrangements maintenant que ce n’est plus la guitare qui dirige tout.

I.C. : On retrouve le même humour qui caractérisait tes compositions précédentes sur le nouvel album. Est-ce que les thèmes qui t’inspirent ont changé ? Ceux qui trouvaient amusant et intéressant le Simon Kearney de 2015 le reconnaitront-ils en 2018 ?

S.K. : Je pense que oui. Dans la dernière année, j’ai vraiment débuzzé sur le fait d’être une rock star. On dirait que socialement, on ne veut plus ça, le côté sérieux du rock. La grosse guitare, l’icône de la rock star. On veut s’associer à des rôles plus légers. Je trouvais qu’on est trop souvent sérieux dans la vie et je n’avais vraiment pas le goût de laisser paraître ça dans mon album. J’ai donc misé sur quelque chose de plus léger et rassembleur, mais aussi autodérisoire et satirique. Encore plus que sur le premier album.

I.C. : Est-ce une tendance chez les auteurs-compositeurs actuels – nous avons parlé avec Jérôme 50 il y a quelques mois qui semblait nous indiquer ceci -, de davantage miser sur des thèmes légers et d’accepter des influences plus pop dans leur production ?

S.K. : Je ne peux pas parler pour Jérôme. Les gens pourraient facilement faire des rapprochements entre nous parce qu’on est des amis d’enfance, on a été colocs pendant deux ans, on a eu le même cheminement et j’ai même joué sur son album, mais oui… Hier, j’étais au Show de la Rentrée [à l’Université Laval, le 16 janvier] et ce n’était pas une soirée rock, c’était une soirée trap, de rap queb. Je pense donc que oui, c’est un mouvement qui se fait, musicalement. On ne veut plus vraiment s’associer à des rock stars. Pourquoi le rock’n roll a autant pogné que ça ? C’est parce que les jeunes s’associaient à ça en se disant «heille, Jimmy Page avec sa guit dans Led Zeppelin, y est donc ben cool», mais les jeunes ne trouvent plus ça cool. Ce qui est cool c’est d’être sur un boat, de boire du champagne et de vivre la high life. C’est ça qui fait rêver les jeunes en ce moment.

I.C. : Comment sens-tu que tu t’inscris dans ce qui se produit actuellement à Québec? Êtes-vous en train de vous tracer une voie parallèle ?

S.K. : C’est sûr qu’avant, j’étais beaucoup plus influencé par la musique queb. J’ai fait mes bases en écoutant entre autres du Vincent Vallières, mais, dans les dernières années, j’ai surtout écouté de la musique anglophone. Pas que la musique queb ne m’intéresse pas, mais je voulais vraiment me dissocier de ça, et la meilleure manière était d’écouter de la musique qui vient d’ailleurs et de l’appliquer avec notre style québécois, en français. Ça donne de quoi de différent. Je ne me suis pas comparé avec des artistes de la ville de Québec, mais veut, veut pas, en jouant avec Jérôme, en jouant avec Hubert Lenoir, c’est sûr que ça m’a inspiré. Je ne veux pas être dans leur chemin, mais inévitablement, on le fait.

I.M. : Qu’est-ce qui s’en vient pour toi dans les prochains mois en termes de tournée et de projets ?

S.K. : On va avoir des spectacles cet été. Entre autres à Petite-Vallée où je vais jouer en plateau double avec Jérôme. On va également sortir un clip pour ma chanson Mes pants dans les prochaines semaines. Il y a aussi, bien sûr, les deux lancements à Québec [au Pantoum le 26 janvier] et à Montréal [Le Ministère, le 28 janvier]. On s’amuse. De plus en plus, je me sens en maîtrise de mes moyens et j’essaie de sortir des concepts, on fait de la sérigraphie, des chandails pour les lancements.

I.C. : La machine à composer est-elle déjà réallumée, ou tu profites plutôt de la concrétisation du nouvel album ?

S.K. : Ça n’arrête jamais. Je suis rendu avec un studio à l’île d’Orléans, c’est facile : je me lève le matin, je pogne ma guit et c’est déjà commencé !

L’album Maison ouverte de Simon Kearney est disponible en magasin (!) et en ligne depuis le 25 janvier. Pour plus de détails sur les lancements et la tournée de l’artiste pop’n’roll, rendez-vous sur son site web simonkearney.ca.

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