Du vacancier en manque de mots, édition 2019

Y a-t-il sérieusement plus beau cadeau à offrir à son prochain ‒ un proche, un inconnu ‒ qu’un conseil ? On dirait chaque fois que moins il était attendu, plus il fait effet : les étincelles dans les yeux, le soupir reconnaissant, le retrait agacé, mais révérant. La vie est un immense Espace Cellier quand la piquette sait si superbement se dérober à nos yeux et à nos palais. À chaque enthousiasme, sa faille, et à chaque incartade appréhendée, son conseil.

Vous songez lecture pour la belle saison, Impact Campus n’attendait que cela…

Nous blaguons, bien sûr. La dernière année littéraire s’avéra si riche et variée qu’il serait proprement prétentieux d’avancer être ceux qui y ont vu clair, plus clair que vous tous – ainsi, nous vous invitons à nous soumettre vos coups de coeur lecture de septembre à la présente fin de session d’hiver. C’est une discussion que nous vous proposons, quitte à publier une suite à la présente entreprise. Voici toutefois quelques romans qui nous ont marqué cette année :

Ariane Lessard n’a laissé personne indifférent avec Feue (La Mèche, septembre 2018), sa première proposition en forme de chassé-croisé entre deux sœurs, leur famille fractionnée, leurs amours déçus et décevants. Le texte, peut-être rébarbatif aux premiers abords, se transforme — en quelques tableaux/chapitres, tout au plus — en une expérience dont on savoure la complexité et le rythme de plus en plus envoûtant et mystérieux. Dans le club de ces livres que l’on dépose à regret.

Autre vedette montante — j’imagine que c’est positif de le dire comme ça ? Dans tous les cas, c’est positif et pleinement mérité – de la littérature québécoise, Clara Dupuis-Morency, lançait à la fin de l’été dernier Mère d’invention (Triptyque, août 2018), véritable laboratoire littéraire où la rédaction d’une thèse de doctorat s’entremêle avec une approche de la maternité dans tout ce qu’elle insinue de choix et de considérations, qu’on avait rarement lu si sentie et juste. Finaliste aux Prix des libraires du Québec 2019.

Tout savoir sur Juliette (Cheval d’août, octobre 2018) propose à lire une plume mordante, celle d’Érik Vigneault, toujours si près du dérapage à force de digressions — alors qu’elle est en parfait contrôle —, mais surtout, hilarante de sévérité dans son jugement du médiocre, et d’exubérance contenue dans sa fixation du morbide. Nous avons l’impression qu’il est passé sous les radars, petite déception, alors qu’il est de la même trempe que les autres petits triomphes de l’éditeur parus en 2018 (Créatures du hasard de Lula Carballo, ou Les fins heureuses de Simon Brousseau).

Jean-Christophe Réhel, dont la voix nonchalante, mais sensible, brille de parution en parution, est incontestablement un des auteurs actuels à surveiller. L’intense poisse portée par le personnage principal de son premier roman, Ce qu’on respire sur Tatouine (Del Busso, septembre 2018), séduit dès les premières pages, alors que ce dernier aborde la fibrose kystique qui l’afflige avec humour et dérision. Se lit d’une traite, même si on vit le récit au rythme mou et désolé des amours — Star Wars, « Amidala » (une collègue au Super C) — du slacker. Récipiendaire du Prix littéraire des collégiens 2019.

En vrac, quelques autres suggestions waterproof à lire en mode rattrapage autour de la piscine : Ouvrir son coeur d’Alexie Morin (Le Quartanier), Vos voix ne nous attendront plus de Julien Guy- Béland (Héliotrope), Faunes de Christiane Vadnais (Alto), Le syndrome de Takotsubo de Mireille Gagné (Sémaphore), Roux clair naturel de Fanie Demeule (Hamac), Querelle de Roberval de Kevin Lambert (Héliotrope), Manuel de la vie sauvage de Jean-Philippe Baril Guérard (de ta Mère), La résilience des corps de Marie-Ève Muller (L’Instant Même), La trajectoire des confettis de Marie-Ève Thuot (Les Herbes Rouges).

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