À bas la dictature de l’écran!

J’en ai marre de la dictature de l’écran. Tous les jours, pendant plusieurs heures, nous sommes condamnés devant cette chose laide, maintenant plate, inodore, trop audible et froide qu’est l’écran. Pas assez de se creuser les méninges devant l’ordinateur pour gagner notre pain, ou pour obtenir le diplôme qui nous permettra d’y arriver, on en rajoute avec la télévision, les jeux vidéos, le iPod et j’en passe. Même plus moyen d’aller au dépanneur sans que dans la file d’attente, un écran disposé stratégiquement nous projette son venin d’animations publicitaires. Il n’y a pas si longtemps, nous nous insurgions, parfois à coups d’insultes, contre le personnel nous offrant un billet de loterie pour accompagner notre pinte de lait ou nos dizaines de litres d’essence. Au moins, ça provenait d’un être humain. Maintenant, l’écran se charge de nous proposer la même chose en s’assurant sournoisement que sa proposition reste bien ancrée dans notre subconscient le plus longtemps possible. Du coup, plus un mot de la part des clients. Fallait y penser.

Loto-Québec a aussi compris le message, en installant des écrans sur ses valideuses. Mais il y a pire. De plus en plus de restaurants installent des écrans de télévision dans leur salle à manger, transformant un moment de plaisir gustatif et de sociabilité en une lutte acharnée pour ne pas quitter du regard la personne qui nous accompagne et garder le fil de la conversation. Il ne faut pas s’en surprendre. Cela n’est que le résultat d’une lente progression, entamée le jour où les ménages ont intégré la télévision à la décoration de leur salle à dîner. Parlant de bouffe, il vous est sûrement déjà arrivé, au cours d’un souper ou d’une soirée, que quelqu’un se propose de montrer à tout le monde la dernière vidéo abracadabrante qu’il ou qu’elle a vu sur YouTube. Réaction en chaîne garantie. Ça ne prend pas une minute pour qu’une deuxième personne propose la même chose, et ainsi de suite. Merci, écran!

La dictature de l’écran est partout, même en voiture. Elle est presque révolue, l’époque où l’on sortait de la voiture, un peu embarrassé, pour demander à la première personne semblant plus orientée que nous la direction d’une destination que nous nous destinions à ne pas trouver. Le GPS s’en charge maintenant. Pitonnez, et vous recevrez! C’est beau la technologie. L’écran, cet être glacial, dicte notre conduite et oblige le commun des mortels à l’apprivoiser, sans jamais donner en retour, sinon que de fausses impressions quant à la réalité du monde. Mon constat : rien de pire pour se déconnecter de la réalité que de trop se connecter.

L’écran, cet avaleur de cerveaux humains, a aussi fait son entrée dans les autobus par le biais des Ipod, Blackberry et autres. Les entreprises de téléphonie essaient même de convaincre les étudiants de commencer leur recherche dans l’autobus avec ces petites machines diaboliques. Pourquoi pas? Au lieu de lire pour transformer les lettres en images, simplifiez-vous la tâche. Quels plaisirs retirer de l’écran? J’en vois peu. Peut-être écrire, ou avoir l’impression que la planète est devant nos yeux. Sauf que la planète, elle est sous nos pieds et pas sur un écran.
 

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