Blasphémer est un droit

À mon avis, la chrétienté, tout comme bien d’autres religions, est une idéologie désuète et corrompue, dont une partie significative des adhérents manifeste une attitude diamétralement opposée aux idéaux enseignés dans son propre ouvrage sacré.

Voilà, je l’ai dit. Que j’aie l’opportunité d’exprimer un tel énoncé relève de la géniale liberté d’expression durement acquise par les sociétés modernes. Un corollaire de ce droit est que ceux qui sont en désaccord avec cette opinion sont libres d’exposer leur propres arguments en la matière. Le sain débat qui en découle, bien entendu, est l’un des fondements de nos démocraties.

Or, c’est là une liberté menacée par une récente résolution de l’ONU, qui condamne la «diffamation de religions» sous le pretexte que cela constitue une violation des droits humains. Voilà donc la culmination de l’effort de l’Organisation de la conférence islamique, qui mène une campagne depuis dix ans contre la diffamation des religions, ou plus spécifiquement de l’islam.

Les raisons avancées pour justifier cette résolution sont louables : réduire les associations trompeuses entre l’islam et le terrorisme et éviter les incitations à la haine religieuse qui pullulent depuis le 11 Septembre. Mais à quel escient sera-t-elle utilisée?

Pour le savoir, il s’agit de s’informer sur les pays qui ont voté favorablement à la résolution. Est incluse, entre autres, l’Arabie Saoudite, royaume où il est illégal d’être juif ou encore de conduire si l’on est une femme. D’ailleurs, l’entrée dans les villes les plus culturellement significatives de ce pays, soit la Mecque et Médine, est interdite à tout infidèle.

A aussi voté en faveur le Pakistan, un pays en lequel l’abandon de la foi musulmane est encore, de nos jours, punissable par la mort. D’autres pays islamiques à la démocratie douteuse ou encore inexistante ont également supporté la proposition, dont l’Égypte, le Bahreïn et le Qatar.

Conséquemment, la haute institution a tout à gagner en militant contre la «diffamation religieuse». Les critiques de l’islam pour ses appels à la mort des apostats, ses enseignements antisémites ou encore sexistes pourraient finalement être contrées par cette résolution qui légitimerait la censure de faits vérifiables. Un tel contrôle de l’opinion publique en dehors des pays ayant voté en faveur de la résolution serait bien utile à ceux-ci pour éviter le besoin de se défendre de certaines traditions plus que déraisonnables.

Bien que c’est l’islam qui mérite mon ire cette semaine, compte tenu de son attaque aux droits fondamentaux à l’ONU, bien d’autres religions sont coupables de ces aspirations. Par exemple, la scientologie est connue pour abuser du système judiciaire en clamant le droit d’auteur dans le but d’imposer le silence à ses critiques, alors que l’Église catholique utilise une rhétorique douteuse afin d’essayer d’implanter l’idée qu’il existe un droit «de ne pas être offensé».

Certains catholiques ont même eu le culot, dans un courrier du lecteur de la semaine dernière dans Impact Campus, d’insinuer que l’Université Laval devrait censurer les propos désobligeants, alors qu’un endroit leur est gracieusement fourni pour protester.

Il faut bien comprendre que des critiques fondées et des appels à la raison, aussi bien que des blagues de mauvais goût et même des insultes quant à certains aspects d’une idéologie, ne constituent pas une incitation à la haine contre le groupe qui véhicule ladite idéologie. Traiter ces propos de la sorte ne serait qu’appliquer une doctrine du politiquement correct dans une situation non pertinente, chose qui pourrait miner globalement la liberté d’expression et, par la même occasion, les fondements de la démocratie.

Consulter le magazine