L’adieu aux armes

L’année qui se termine aura été désastreuse pour les journaux. Les revenus publicitaires ont chuté partout, des centaines de postes ont été coupés dans les grands quotidiens américains… et les journaux étudiants Le Front (Moncton) et Le Collectif (Sherbrooke) ont failli trépasser. Drames incomparables? Moins qu’il n’y paraît, car les hérauts de l’information ne doivent pas seulement rester à l’affût des faits et gestes des gouvernements, mais aussi des administrations universitaires. Si l’Université Laval nous a appris une leçon cette année, bien malgré elle, c’est la nécessité de préserver et de développer des médias indépendants et critiques. Impact Campus la retiendra!

Un chien de garde de l’information est d’autant plus nécessaire sur le campus que l’Université Laval est de plus en plus gérée comme une entreprise. Avec l’avènement de «l’approche clientéliste» est venu le contrôle de son image, et 2008-2009 aura montré que Laval est prête à toutes les rétentions d’information pour garder le volant. Pas étonnant qu’elle représente Barack Obama, dans ses publicités, comme un exemple de succès marketing plutôt qu’une réussite politique!

Impact Campus a tenté, malgré cela, de tenir la communauté universitaire au fait de ce qui la préoccupe. En milieu d’année, nous avons révélé que l’Université Laval se dirigeait vers un déficit malgré ses projections positives. Nous avons publié ce que, bien sûr, l’Université ne met pas dans la rubrique «Nouvelles» de son site Internet, revampé ou pas : les deux hausses de frais qui se sont ajoutées à la facture étudiante. (Nous aurions bien voulu vous dire ce qu’il en est de l’augmentation de 25$ des FIO que projette l’administration, mais il semble que, fidèle à la tradition, elle attende que le campus soit vide et que le journal ait fait son bilan pour annoncer ses couleurs – voilà qui est fait.) De même, la semaine dernière, nous avons relayé le mécontentement des étudiants envers le nouveau système de gestion des études, qui n’a généré, bien sûr, que «quatre ou cinq plaintes».

Malgré ces appels, l’administration, murée dans la Tour de l’éducation, garde imperturbablement le silence. Pendant ce temps, le Service de sécurité a pour directive d’appliquer un règlement fantôme selon lequel il faudrait avoir une autorisation pour prendre des photos sur le campus (voir notre édition du 31 mars). Difficile de contrôler plus littéralement son image!

On croirait que l’Université est une compagnie de diplômes, qui doit protéger ses produits aux yeux du public – comme Ford niait que les Pinto souffraient de combustion spontanée. Pourtant, il ne devrait rien y avoir à cacher. Étant un organisme public, l’Université a des comptes à rendre aux Québécois et aux étudiants, une tâche qu’elle omet souvent de remplir elle-même. La culture de la méfiance qu’elle a développée envers ces derniers est choquante et étonnante. Croit-elle que nous n’avons pas le jugement nécessaire pour nous exprimer sur l’avenir de l’institution? (Si c’est le cas, l’Université devrait se poser des questions sur la formation qu’elle nous dispense.) Ou que nous ne voulons pas notre propre bien?

Dans un tel contexte, des médias indépendants comme Impact Campus sont indispensables. Ils ont le rôle de déceler les fausses notes dans les discours débonnaires qu’on tente de nous faire avaler. L’équipe de rédaction a toujours eu le souci de rester libre par rapport aux institutions, que ce soit l’administration ou les associations étudiantes. Nous avons voulu stimuler le débat dans chacun des dossiers que nous avons mis de l’avant et faire de nos pages un lieu d’expression privilégié pour la communauté universitaire.

Les étudiants et toute la communauté ont été au rendez-vous sur plusieurs dossiers, qu’ils soient pour ou contre les positions du journal. Cela est très sain, voire rassurant. Car il est plutôt étonnant de voir à quel point les hausses de frais émeuvent peu les étudiants, comme s’ils y avaient été immunisés, au bout du compte.

En espérant que l’Université ne vous a pas matés, car c’est vous, lecteurs, qui êtes le chien de garde d’Impact Campus.

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