Le blues du sans-logis

Cet hiver, comme plusieurs d’entre vous, je suis à la recherche d’un appartement. Marquée par la crise du logement des dernières années, cela m’exaspère au plus haut point. Déjà février! Pourrais-je me trouver un logis convenable à temps? Je me vois déjà sur le bord de la rue, en plein mois de juillet, avec toutes mes boîtes et effets personnels et nulle part où aller! Misère! Trêve d’idées noires, je n’ai pas le choix. Au boulot!

Première étape: je feuillette journaux et sites Internet. Fait amusant: les logements à louer sont TOUS beaux et TOUS grands! Vous pouvez m’expliquer comment un 2 ½ peut être grand? Par définition, il s’agit de deux pièces et d’une salle de bain. Ça permet de combler l’espace vide d’un édifice à appartements, ça ne peut pas être grand! J’aimerais aussi que quelqu’un m’explique le chiffre 3 de 3 ½. Tous les 3 ½ que j’ai visités sont composés d’une chambre à coucher, d’une salle de bain et d’une pièce que j’appelle «cuisisalon». Elle est où, la troisième pièce? Je continue ma recherche en évitant, parce que je suis une pauvre étudiante, toutes les petites annonces comprenant les mots «luxueux», «piscine», «style condo», «portes françaises», «cachet» et, comme j’ai deux adorables chats, «animaux interdits». Bingo! Au bout de plusieurs semaines, j’en ai trouvé quelques-uns.

Deuxième étape : je fais un nombre incalculable d’appels. Je ne sais pas pour vous, mais mon expérience au téléphone pour recueillir plus de renseignements au sujet d’un appartement est pitoyable. En fait, ça se résume souvent à : «Il est déjà loué, ma p’tite dame» ou encore à un long silence! Vend-le-moi ton appartement, bordel. Dis-moi qu’il est beau, grand, insonorisé, que c’est le paradis sur terre et que tu adores les animaux! Montre-moi qu’il vaut la peine d’être visité.

Mais il y a aussi l’autre catégorie de propriétaires : ceux qui parlent sans arrêt. Ceux que tu ne peux même pas couper pour leur dire «ah non, je cherche un appartement sans tapis», puis qui sont fâchés parce que vous leur avez fait perdre leur précieux temps. Mais bon, ne désespérez pas. Sur le lot, un gentil propriétaire vous donnera le goût d’aller visiter son appartement.

Troisième étape : la visite. En entrant dans le bloc, ma réaction est souvent: «Ouf! Ça fait pitié ce couloir-là!» Mais je passe par-dessus en me disant, justement, que ce n’est que le couloir. Habituellement, pour louer un appartement, ou tout simplement donner une bonne impression, un propriétaire devrait appeler le locataire du moment pour lui dire que quelqu’un viendra visiter le lendemain. Pourquoi, alors, ai-je déjà visité un appartement où des contenants de poison à rat et des pièges à fourmis se trouvaient dans toutes les pièces? Et un autre où sous-vêtements et vieux condoms traînaient sur le plancher de la chambre à coucher? Le propriétaire vous dit: «Allez, entrez dans la chambre, venez voir comme la garde-robe est grande!». Suivi de sa question: «Alors, vous le prenez?» Par politesse, vous répondez que vous allez y penser, mais il a LA réponse, LA petite phrase pour que vous lui répondiez oui sur-le-champ: «J’ai deux visites prévues cet après-midi. Il va partir tout de suite, je vous avertis!» Vous n’avez même pas le temps de vous en rendre compte, vous êtes déjà à la quatrième étape: vous signez le bail. Dans votre tête, vous vous dites: «Ce n’est pas grave, je déménagerai de nouveau l’an prochain si je n’aime pas ça!»

Consulter le magazine