Un avenir en béton

C’est un copié-collé laconique à la fin de chaque communiqué de presse annonçant la réaction d’un acteur du milieu de l’éducation X à un budget fédéral Y : quelles que soient les annonces du gouvernement, X réclame invariablement la hausse des transferts fédéraux en éducation à la hauteur de 1994, soit 4,1 G $ de plus pour le Québec.

Le récent budget Flaherty ne fait pas exception à cette règle. En pleine crise économique, pas question de hausser les transferts accordés aux provinces pour financer les cégeps et les universités. Mais, bonne nouvelle, afin de stimuler l’économie, on accorde 2 G $ aux institutions d’enseignement postsecondaire pour la construction et l’entretien d’infrastructures. Ce montant permettra de rattraper un retard dans l’entretien des établissements québécois, que la Conférence des recteurs et des principaux des universités du Québec, qui n’a pas la réputation d’exagérer, estime à 1,5 G $.

Par un heureux hasard, à peu près en même temps que le budget a été rendu publique une étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) qui révèle que les universités québécoises se développent par des variations douteuses de PPP (partenariats public-privé) en raison d’un manque de financement gouvernemental (voir notre article en p. 9). Gageons que les 2 G $ de Flaherty n’y échapperont pas…

Or, les projets d’infrastructures dans les universités, bien que ne répondant pas tout à fait à la définition floue du PPP –qui a la consistance du mythe –, ont mené à des impasses financières, dont le cas bien connu de l’Îlot voyageur. L’implication à long terme de l’entreprise privée dans ces projets sur les campus ne fonctionne manifestement pas. Si on continue de la valoriser, c’est peut-être bien par pure foi politique. On devrait prendre note des dires de cet ex-consultant du CHUM, qui a révélé récemment avoir reçu énormément de pression pour recommander de faire le projet en mode PPP, malgré ses prévisions parfois favorables à un mode public conventionnel.

Tout est une question d’idéologie. L’exigence d’adopter des mesures draconiennes et immédiates pour sauver l’économie canadienne explique, selon les conservateurs, l’absence d’investissement massif dans l’éducation postsecondaire dans le budget 2009. Mais il y aura toujours une bonne excuse. L’État se désengage volontairement de l’éducation, la faisant passer après toutes ses autres «priorités». L’université n’est plus vue, ni au Québec ni au Canada, comme une fin, à laquelle il faut dédier des ressources, mais comme une manière parmi d’autres de faire rouler l’économie. Il faut stimuler la construction? Tiens, bâtissons donc des ponts et des universités. Peu importe qu’on ne finance pas les recherches qui s’y font ou qu’on n’y engage plus de professeurs.

Cette instrumentalisation de l’éducation s’incarne aussi dans le cas du Centre intégré en pâtes et papiers à l’UQTR qui, selon les auteurs de l’étude de l’IRIS, «constitue avant tout une aide à l’industrie», le système d’éducation finançant la formation de la main-d’œuvre et de la recherche.

Le gouvernement réinvestira dans l’éducation le jour où l’on manquera de main-d’œuvre qualifiée. De moyen qui devait nous permettre d’atteindre des objectifs humanistes, l’économie est passée au statut de projet de société. On se satisfait de la médiocrité du bonheur matériel qu’elle nous procure, nous assoyant sur les progrès réalisés en santé ou en éducation, comme si nous n’avions plus besoin de nous dépasser.

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