Les temps sont durs

Dans le bon vieux temps, tout était tellement plus fascinant. Les débats publics des années soixante, l’effervescence québécoise avec la montée du débat nationaliste et les débats enragés entre professeurs et étudiants, tout cela est malheureusement terminé. C’est du moins ce que semble dire un communiqué, paru cette semaine, annonçant l’échec de la récente tentative de redémarrer le journal des étudiants de la Faculté des sciences sociales, La Marmite Sociale. Ce communiqué, en plus de faire une mention de ma personne, soulevait quelques cependant des questions intéressantes. Impact Campus se voulant aussi un journal où le débat d’idées est le bienvenu (ce dont se réclamait La Marmite sociale), prenons quelques instants pour analyser ce qu’ils évoquent.

Le premier problème évoqué par les (désormais ex-) éditeurs est celui de la «crise du militantisme», du «cynisme» et de l’«individualisme». En se remémorant les années 1960 et 1970, on peut en effet avoir l’impression que l’on vit une époque morose. Cependant, se peut-il que notre point de vue à ce sujet soit incroyablement biaisé?

Il est facile d’oublier que nous ne sommes pas à armes égales lorsque nous nous comparons avec le passé. Si on pouvait lire le profil Facebook de jeunes typiques des années folles, beaucoup seraient probablement déçu de leur «cynisme», de leur «futilité» et se demanderaient où est l’«effervescence» qui les marquait. Si on compare un moment historique où les journaux étaient le principal média, complété par la télé, à notre temps, où nous nous abreuvons constamment à Facebook, Twitter, Cyberpresse, RDI, LCN et nous transférons des courriels toute la journée (ce qui n’est pas nécessairement négatif, disons-le), on va probablement trouver que la densité était plus grande. Si on oublie que les médias d’antan étaient réservés à l’élite, on ne doit pas se surprendre d’un changement dans le ton et la nature de ceux-ci.

Je dirais que le modèle auquel aspirait La Marmite social n’était pas compatible avec l’époque. Pas parce que le débat est mort, mais car il est dilué, et coule partout.

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Un des problèmes de La Marmite sociale a aussi été que le financement reste un problème pour tout le monde. L’analyse des éditeurs de celle-ci est juste: il faut se fier à un mécène (qui doit avoir le contrôle du message, ce qui est naturel), à des publicitaires (qui diluent le message, ce qui est entendu) ou à un paiement (qui restreint l’auditoire, économiquement parlant). Cette constatation devrait être rappelée à tous: choisir un média, peu importe lequel, revient à choisir quel compromis a été fait pour qu’il puisse vous rejoindre. De plus, un média qui prétend se libérer de ces contraintes a à son emploi soit des génies (ce qui est rare), soit des gens qui ont peine à apprendre de l’Histoire (ce qui est plus fréquent).

Je ne suis pas inquiet pour le débat public. Dans nos pages, notre cheffe de pupitre Marie-Ève Muller publie cette semaine un courriel qu’elle a reçu de la part de quelqu’un qui n’a pas finit de s’indigner. La semaine dernière, Marie-France Bazzo confiait qu’elle s’attendait à un renouveau des idées politiques. Je suis certain que vous aussi avez beaucoup à dire, alors faites rougir ma boîte de courriel à redaction@impact.ulaval.ca.

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