L’affaire Desjardins, ou mourir dans la dignité

Comme la neige est enfin tombée et que l’actualité étudiante se résume à la rentrée, je me permets de prendre quelques mots pour revenir sur un évènement survenu à la fin de 2015. Remontons dans le temps !

Décembre dernier, alors que le sort de la planète se jouait à Paris avec la COP 21, Le Devoir mettait à la porte David Desjardins, chroniqueur de son état. Ce dernier s’était rendu coupable de conflit d’intérêts aux dires de la direction du quotidien. Pour faire court, le chroniqueur vedette (qui n’en demeurait pas moins un pigiste) menait une double vie en co-présidant une petite compagnie dont le chiffre d’affaire provenait du façonnage de publireportages contre monnaie sonnante. Véritable trahison pour Le Devoir. Le retrait de la carte de presse de David Desjardins a été immédiat.

Cette histoire étant banale, elle aurait pu le rester. Pourtant, la tempête de réactions qu’elle a entraînée en a fait son intérêt (sûrement le fameux effet papillon).

C’est David Desjardins, le principal intéressé, dont on peut comprendre qu’il ait eu envie de se défendre, qui allait lancer le bal. Sa défense était basée sur deux arguments-piliers. D’abord, il ne pouvait y avoir intérêts ou conflit, puisqu’il ne s’est jamais prétendu journaliste et que s’il gagnait sa vie plume en main, c’était en tant que chroniqueur. D’ailleurs, il a tout à fait raison puisque les premières chroniques ne sont rien d’autre que des publireportages à la gloire de leurs puissants patrons.

Néanmoins, c’est surtout la fin de son argumentation qui a fait le plus jaser. Il explique qu’il ne pouvait de toute façon pas faire autrement puisque son salaire de (pigiste) vedette ne lui permettait pas de vivre dignement.

Cet argument allait toucher le cœur de beaucoup de gens. Après tout, comment être contre le fait qu’une personne puisse vivre dignement du métier qu’elle aime exercer ? Pourtant, il y a quelques mois, le Québec a statué qu’il était légitime de mettre fin à certaines vies lorsqu’elles deviennent trop pénibles. N’est-ce pas ce que l’affaire Desjardins nous révèle sur le métier de journaliste ? Lorsqu’on apprend que pour joindre les deux bouts, un chroniqueur vedette doit aussi s’adonner à un genre de mécénat des mots, et qu’une grande partie de la profession avoue trouver cela normal, n’est-ce pas le signe que la vie de ce type de média est devenue trop pénible et qu’il faut l’arrêter ? Certes, la profession nous manquera terriblement, mais il vaut sans doute mieux qu’elle disparaisse dans la dignité qu’elle persiste déformée.

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