Je voulais vous faire part de mes impressions sur le budget fédéral 2013. C’était ma première idée pour ce billet. Puis, j’ai lu le blogue du chef d’Option nationale, M. Jean-Martin Aussant (celui du Journal de Montréal, pas celui du Urbania). Dans un billet intitulé «Sans doute un budget bien pensé», il écrit pas mal ce que je vous aurais écrit sur ledit budget.
Courtoisie :Wikimedia, Mariannlï et Wikimedia, PCQ Fan
Courtoisie :Wikimedia, Mariannlï et Wikimedia, PCQ Fan

Je voulais vous faire part de mes impressions sur le budget fédéral 2013. C’était ma première idée pour ce billet. Puis, j’ai lu le blogue du chef d’Option nationale, M. Jean-Martin Aussant (celui du Journal de Montréal, pas celui du Urbania). Dans un billet intitulé «Sans doute un budget bien pensé», il écrit pas mal ce que je vous aurais écrit sur ledit budget. Je vous suggère donc d’aller lire sa prose et, de mon côté, je vais choisir un sujet plus ludique. Du moins, c’est ce que j’en pense. Et en bonus, ça concerne tout de même le chef d’Option nationale.

«Hey, Jérôme! On monte-ti à “Mariale” pour aller voir Aussant vs. Pouliot?»

«Aussant vs. Pouliot», oui. Le département d’économie de l’Université de Montréal a en effet organisé, mercredi dernier (le 27 mars), une “confrontation” entre le chef d’Option nationale et son pareil pour le Parti conservateur du Québec, M. Adrien Pouliot. “C’est qui ça, Adrien Pouliot?!”, est probablement votre question. C’est un homme qui a fait fortune dans les télécommunications. Vous vous souvenez des camions jaunes “Entourage” qui arpentait nos routes il y a quelques années? C’est lui, ça. C’est aussi l’homme derrière la création de Télévision Quatre-Saisons (maintenant “V”). Et il a pratiqué le droit bien des années. Grosso modo.

«Une tête, donc»? Oui, une tête. Pas mal plus crédible que l’ancien chef du PCQ et fondateur du Impact Campus que vous lisez actuellement, M. Luc Harvey. Oh!, ne me regardez pas avec ces yeux-là: même le PCQ lui-même ne trouvait pas son chef crédible.

Pour M. Aussant, je ne crois pas devoir vous faire de présentation. Économiste renommé, ancien VP de Morgan & Stanley à Londres alors qu’il n’avait même pas atteint la quarantaine.

«Une tête, donc»? Oui, une tête.

J’ai donc accepté l’invitation et me suis rendu à Montréal avec cette bonne amie. Sur l’annonce de l’évènement Facebook, un(e) petit(e) comique s’est amusé avec Photoshop et a collé le visage des deux “pugilistes” sur des combattants du UFC. Ne manquait plus qu’une inscription «Y va y avoir du SANG!» et ça passait sur le canal Indigo.

Arrivé sur place après avoir affronté le labyrinthe du pavillon Jean-Brillant (d’ailleurs, l’architecte du pavillon ne gagnera pas un prix de maximisation de l’espace, désolé), nous arrivons dans une salle pleine de jeunes universitaires, comme d’habitude quand M. Aussant est présent. Je fais un bref balayage des lieux pour voir si je ne connais pas certain visages: Laurent Proulx, mon collègue de la Table d’Hôtes à CHYZ 94,3FM, est assis aux premières loges devant son idole du PCQ. Juste derrière lui, Mathieu Bock-Côté est prêt à juger chaque parole des deux protagonistes en commençant toutes ses phrases par “nonobstant”. Un peu à droite, Arielle Grenier écoute religieusement les deux politiciens. Un peu plus à gauche, je reconnais quelques jeunes militants péquistes, quelques jeunes militants libéraux et, bien sûr, la clique pro-Option nationale, toujours aussi loyale envers son chef. Pour être honnête, c’est pratiquement beau à voir, surtout que les militants d’ON sont pour la plupart jeunes. Très jeunes. Et très passionnés, aussi.

 

Tout est en place pour un combat de 4 rounds, c’est-à-dire quatre questions. On dénote d’ores et déjà des différences de style flagrants. Du côté de M. Aussant, un petit lutrin minuscule qui sert de “rack à bouteille d’eau”. Aucune note, aucun papier, le micro dans la main gauche et la main droite dans sa poche. Du côté de M. Pouliot, le lutrin officiel de l’Université de Montréal, une pile de notes bien écrites, aucun plis apparent sur son veston à rendre jaloux (sérieusement, méchant beau complet pas donné), une banderole du PCQ derrière lui avec un slogan choc: “Le vrai changement, c’est nous”. Tiens, ça me rappelle quelqu’un.

 

Je ne vous jeterai pas en bas de votre chaise en vous disant que chacun a des positions bien campées sur tous les sujets. “Est-ce que taxer les riches contribue à réduire l’écart de richesse entre les classes sociales”? M. Aussant répond en premier en disant que, bien sûr, c’est le cas et saute sur l’occasion pour dire que nos voisins du Sud en sont un parfait exemple, rappelant que si la richesse absolue de ce pays est immense, 45 millions des citoyens américains doivent se nourrir avec les food stamps. M. Pouliot rétorque qu’il faut faire la différence entre “égalité des chances” et “égalité citoyenne”. Valoriser le travail acharché a justement aidé 400 millions de chinois à se sortir de la pauvreté. Tiens, ça me rappelle quelqu’un.

C’est alors qu’une question du public est posée: le modèle suédois où 99% des gens paient des impôts, pauvres comme riches, pour ou contre? M. Aussant rappelle qu’avant de penser à réformer le système progressif d’imposition, il faudrait d’abord s’assurer que ceux et celles qui doivent payer de l’impôt dû à leur statut moins “précaire” le font au lieu de laisser fuir leurs capitaux dans des paradis fiscaux. M. Pouliot répond que 3,6% des québécois ont payé 38% des impôts cette année et qu’il favorise un flat tax où tout le monde paierait un petit peu d’impôt à part égale. “Ben il est coriace”, entends-je de la part d’un pro-Aussant assis près de moi.

C’est à ce moment que les esprits se sont un peu échauffé. M. Pouliot a reçu ses premiers applaudissements nourris lorsqu’une personne du public a demandé aux deux hommes si le capitalisme tel qu’on le connaît engendre des inégalités sociales. Sa réponse: le pays où les inégalités sociales sont les moins grandes est…le Gabon, mais tout le monde est pauvre! M. Aussant lui a rétorqué qu’il faudrait comparer le Québec avec des pays qui ont la même richesse que lui au lieu de faire des blagues de mon’oncles. Chacun s’est fait applaudir par son cheptel, bien sûr.

Puis est venu le sujet de la langue de travail. M. Pouliot précise que la Suède n’a pas peur de perdre sa langue malgré tous les pays qui l’entoure. M. Aussant, fidèle à lui-même, a répliqué avec un rapide “c’est sûr, ils sont souverains”. La foule était majoritairement gagnée à ce moment pour M. Aussant, suite à de chauds applaudissements.

M. Aussant a cependant reçu deux réactions négatives par la suite. Tout d’abord, en parlant de santé, il a précisé que le privé dans ce domaine est un non-sens économique puisque si on investit un million de dollars dans une clinique, c’est pour avoir un retour sur son investissement donc indirectement, le privé souhaite que les gens soient malades. Les pro-Pouliot ont pratiquement hué cette affirmation. Puis, il a piqué au vif certains de ses sympathisants en affirmant qu’il était lui-même un capitaliste. Mais que pour que le capitalisme fonctionne bien, il faut le baliser et l’encadrer afin d’éviter les dérapages que l’on voit actuellement.

M. Pouliot, de son côté, n’a pas gagné le respect de beaucoup de gens lorsqu’il s’est échappé sur une rhétorique de bas étage disant qu’en 2032, lorsque Option nationale prendra le pouvoir, il nationalisera les épiceries Métro pour que toutes les “cannes de bine” coûtent la même chose partout au Québec. Après avoir roulé les yeux, M. Aussant lui a expliqué qu’il n’a rien contre la performance du privé et que le privé engendre des profits, mais que ce que personne n’a inventé, soit des ressources naturelles, appartiennent à la collectivité et doivent donc être nationalisées. M. Pouliot de répondre que “si ça appartient à tout le monde, pourquoi est-ce qu’il n’a pas son certificat d’actions d’Hydro-Québec”. Après un soupir et un hochement de tête, M. Aussant a préféré ne pas répondre.

Le reste de la “confrontation” a tourné autour des mêmes sujets, des mêmes positions, des mêmes argumentaires. Mais avec d’autres mots et d’autres intonations. Un genre de dialogue de sourds, en somme, puisque si les deux s’entendent, les deux ne s’écoutent pas. D’un côté, Option nationale a le coeur à gauche et le porte-feuille à droite. De l’autre côté, celui du Parti conservateur, tout est à droite mais on peine encore à préciser pourquoi. Chacun a gardé sa base, chacun s’est assuré que sa crowd l’applaudisse. Ah oui!, j’oubliais: crowd est l’une des 48 expressions anglaises que M. Pouliot a utilisé au cours du débat. Manifestement, l’anglais, il love ça.

Les deux terminent leur discours avec un message senti pour tout le monde. M. Pouliot précise que si les moyens ne sont pas les mêmes, les objectifs le sont et que c’est avec ces débats sains et importants que la société avance. M. Aussant a indiqué être parfaitement d’accord avec cette affirmation et a ajouté que si la politique dégoûte plusieurs d’entre nous, ben il faut se dépêcher à en faire pour éviter que ceux qui nous dégoûtent continuent de le faire. Applaudissements pour les deux “pugilistes” qui se serrent la pince.

Fin du combat, match nul. Ou presque. Puisque ceux et celles qui sont entrés dans la salle pour écouter les deux hommes sont allés voir M. Aussant pour lui serrer la pince ou prendre une photo avec lui, mais peu ou pas du tout de ce genre de situation pour M. Pouliot. Il y a même une jeune libérale qui est allé avouer à M. Aussant que si elle était souverainiste, il aurait son appui. “Ça se règle facilement avec une bière, ça”, de rétorquer M. Aussant.

Pour M. Pouliot, il faut avouer que ce dernier est chef de son parti que depuis trois petites semaines et qu’il doit encore roder son message. Mais il faut être honnête: son discours populiste est encore facilement démontable et ce n’est pas avec celui-ci qu’il peut aspirer à de grandes choses pour son parti. Honnêtement, si on considère que la nouvelle mode est aux policitien(ne)s pragmatiques, calmes et posés, il est à douter sérieusement que M. Pouliot va dans le bon sens. “Ça viendra”, supposons.

Vous savez ce qui m’a marqué le plus de cette soirée? Deux chefs, deux visions, deux partis aux antipodes. Mais cette même – exactement la même – “écoeurite aïgue” de la politique québécoise actuelle. Le vieux sage dirait que tant et aussi longtemps qu’un seul être se tient debout afin de changer sa société pour le mieux, il y a de l’espoir.

Tout le monde est allé prendre un verre par après. Là aussi, on a vu une différence de style: les nationalistes dans un petit bar de quartier à boire de la bière fancy, la droite au St-Hubert de la rue Queen-Mary à manger du poulet fluo, les moins plates d’entre eux allant se joindre à la clique de gauche pragmatique. Spécial de voir de jeunes libéraux avec des jeunes nationalistes prendre un pichet avec Arielle Grenier. Mais ça a quelque chose de rassurant, en fait. Et pendant un court instant, la politique avait quelque chose d’inspirant.

Jérôme Boucher

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