Dans la dernière année, j’ai changé ma vie. Monétairement, j’ai choisi de payer 300$ par cours à l’université au lieu d’empocher 50 000 dollars en 365 jours.

La nouveauté de la nouvelle

Louis Lahaye-Roy

Dans la dernière année, j’ai changé ma vie. Monétairement, j’ai choisi de payer 300$ par cours à l’université au lieu d’empocher 50 000 dollars en 365 jours. J’aimais le journalisme, mais lui préfère les faits, la nouvelle. Le journaliste doit rendre la nouvelle sexy, tâche ignoble lorsqu’il s’agit, par exemple, d’assister au conseil municipal de Sept-Îles ou d’interviewer la famille d’une morte à son domicile. Les faits s’avèrent rarement invitants. Qu’est-ce qu’un fait? En gros, ce qu’on peut voir et entendre; les apparences. En journalisme, j’ai vite constaté que pour s’offrir une belle histoire, il faut l’inventer.

Soyons clairs, je raffole des apparences. Pas la série télé, les vraies apparences. J’aime le mystère glauque, le mensonge insidieux, l’austérité imposée, la laideur repoussante, les cravates de politiciens, les catastrophes naturelles, les assassins, les traitres à la nation et les explosions en milieu urbain. Sauf que toutes ces choses ne sont amusantes que dans une fiction, raison majeure de mon aversion légère pour le journalisme.

Quand Infoman sort plus de nouvelles en une heure que le réseau de l’information en 24, ça en dit long sur le genre de tétage qu’implique une journée pauvre en nouvelle neuve. C’est la racine du problème. Il ne suffit pas de vulgariser la nouvelle, car la nouvelle doit être assez récente pour être «nouvelle». Il n’y a qu’en journalisme ou les gens se préoccupent de la nouveauté de la nouvelle. Pourtant, sans connaître les vieilles histoires, on perd l’avantage d’y ajouter de la nouveauté. C’est comme sacrer de la brique sur pas-de-fondation.

J’ai choisi une carrière sans notoriété acquise de facto. Pas médecin, pas avocat, ni aucune autre carrière rassure-parent que les jeunes prennent sans se poser de question à 17 ans, en sortant du cégep. Ça aurait pu être pire, je vis à Québec, j’aurais pu me ramasser en Europe, obligé de payer ma mayonnaise chez McDonald’s. Vivre ici a bien de l’allure, puis en slaquant la nouvelle neuve je deviens patient. Ça m’a pris 18 ans d’études pour aimer le Français. Je pense que c’est bénéfique, mais y’en aura pas de facile.

Le Français

La langue française est formidable lorsqu’il s’agit d’expérimenter, de découvrir, de créer, d’illustrer et qu’on oublie un peu de réviser, de composer, d’obéir et de corriger.

Après un baccalauréat en communication, j’ai réappris à lire. Réappris à écrire. Arrêter d’étudier m’a permis d’apprendre un tas de choses que l’école tait ou ignore. Par exemple, la drogue aide à survivre. Comme mon pote qui a suvécu, entre deux carrières, en vendant du pot. Le jour ou deux gars l’ont attaqué à coups de marteau pour le voler, il a placé son argent sale à l’Université Laval et aujourd’hui, il aide les professionnels à garder le moral dans la routine étanche de leur carrière grise.

Hors école, on apprend vite que stairway to heaven is semé d’enfer. Que pelleter des nuages, c’est moins dur sur le dos que de passer l’hiver. Que la cigale reste essentielle à la fourmi et que même si nos pères se sont tués pour nous damer la voie on cherchera quand même à s’en défricher une ailleurs, en solo, perdu dans la brousse. C’est ce que j’ai choisi de faire.

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