Crédits photo: La Presse Canadienne

Trudeau en Inde : leçon de politique-spectacle

Si la visite en Inde du premier ministre du Canada, Justin Trudeau, a provoqué une vague d’indignation, surtout en raison du caractère ridicule de son accoutrement, il y a là des leçons à tirer à propos de la politique-spectacle, et du rôle de l’image à l’ère des fake news.

Une autre tempête dans un verre d’eau

D’abord, mettons la table. La semaine dernière, le premier ministre s’est rendu en Inde pour une visite, qu’on a vite qualifié de « controversée ». On lui reprochait au départ de s’être plié aux traditions du pays d’une manière ridicule, voulant gagner du capital de sympathie.

On a ensuite critiqué le fait qu’il ait été accueilli par le ministre de l’agriculture, et non par son homologue indien (il l’a finalement rencontré vendredi). On a même appris qu’il avait omis d’inviter un entraineur québécois en honorant l’équipe féminine de hockey indienne dont il est responsable, comme quoi c’était une petite semaine dans l’actualité, et qu’il y avait beaucoup d’intérêt à maintenir l’image du désastre.

Sous le radar, on a aussi droit à une situation à laquelle nos voisins du sud commencent à être plus qu’accoutumés. Il a été relayé que Justin Trudeau, à la manière de Pierre-Eliott, a comparé les « violences » du mouvement indépendantiste québécois à celles des séparatistes sikhs. Bien que celui-ci ait nié catégoriquement, on se retrouve avec la responsabilité de choisir notre côté. Quelqu’un ment, et le passé me porte à croire que la sincérité du chef du gouvernement est à remettre en doute.

Et si on veut vraiment revenir sur l’avant-référendum (époque que Justin Trudeau n’a que très peu connu, né en 1971), la violence du FLQ a engendré une réponse disproportionnée de la part de son père, qui a déclaré la loi sur les mesures de guerres, laissant défiler les tanks dans les rues de Montréal, et procédant à des arrestations politiques.

Respect maladroit ou néo-colonialisme ?

Tentons maintenant de qualifier la portée politique de l’approche vestimentaire de Trudeau. On peut y voir d’abord une marque de respect et d’ouverture à l’autre. En respectant certains codes et certaines coutumes, on montre une volonté de ne pas imposer son propre modèle à l’étranger.

On peut y voir toutefois exactement l’inverse. Par son accoutrement, Justin Trudeau enferme la nation indienne dans une forme culturelle spectaculaire et essentialisée, pour mieux la mettre en spectacle. Cette stratégie a fonctionné sur les médias sociaux, mais beaucoup moins bien dans les médias traditionnels.

C’est la réaction indienne qui nous informe un peu sur la manière dont ses agissements ont été perçus. En gros, on en comprend que le premier ministre portait un habit inapproprié pour un chef d’état, celui d’un jeune marié, et que celui-ci s’apparentait plus aux habitudes vestimentaires traditionnelles que contemporaines. On peut donc comprendre que le geste était une tentative maladroite (voire coloniale) de montrer de l’ouverture.

Les deux revers d’une médaille

Là où Donald Trump excelle en polarisant les débats par ses publications incendiaires, Justin Trudeau tente le tour de force inverse, soit celui d’une figure charismatique et rassembleuse. Les deux approches sont pourtant beaucoup plus près d’un point de vue stratégique qu’on en a l’impression.

Dans les deux cas, on veut créer une image très forte autour de la personnalité politique et ainsi créer un attachement sentimental auprès des électeurs et électrices, qu’on rejoint directement dans leur foyer. Leurs stratèges politiques ont bien identifié ce qui est déterminant une fois dans l’urne : les sentiments.

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