Pardonnez-moi le ton de vieux boomer, mais j’ai de plus en plus l’impression que l’on sera un jour nostalgique de l’époque où l’on se cachait des matantes dans les partys pour aller fumer un p’tit joint. Avant, il y avait le doute et la peur de l’inconnu qui permettait au moins de rigoler un peu entre buzzés sur le dos des personnes plus stiff. La chasse aux sorcières est maintenant commencée.

Légaliser pour mieux interdire

Dès mercredi, à Québec, je pourrai fumer du pot légal, à condition de ne pas le faire dans un endroit public, c’est-à-dire sur l’ensemble du territoire de la ville.

À l’intérieur des bâtiments, donc ? Plus ou moins. La plupart des baux signés le premier juillet indiquaient déjà l’interdiction de consommer dans les loyers. De ce qu’on comprend de l’application de la loi, à moins d’être propriétaire d’une maison, vous ne pourrez tout simplement pas fumer.

À une certaine époque, pour consommer sans se faire déranger par les forces de l’ordre, le mantra était de ne pas se faire pincer avec une quantité excessive de cannabis et du matériel de revente. On tolérait la consommation, ou à tout le moins, le consommateur, et s’attaquait au crime organisé. Maintenant, il sera possible de transporter jusqu’à 30 grammes… à condition de ne surtout pas le fumer.

À force de jouer à l’autruche en confiant ce dossier à des ministres diabolisant le pot, on se retrouve avec une règlementation inadéquate et difficile à mettre en application. Sans compter qu’une crise constitutionnelle pourrait poindre, advenant des mesures devant les tribunaux afin d’établir si la quasi-prohibition provinciale va à l’encontre de l’esprit de la légalisation fédérale. Tout un casse-tête.

Du crime organisé aux grandes corporations

J’évite aussi un peu volontairement l’éléphant dans la pièce, soit celui de la place du privé dans cette industrie qui sera fort probablement des plus lucratives. Les quelques investisseurs avisés ayant amorcé ce virage il y a quelques années déjà se rempliront les poches avec la production alors que les gouvernements se contenteront des taxes sur la distribution. Sans oublier que le privé risque de se soucier à peu près autant de la santé publique que mon actuel pusher. On aurait difficilement mieux pu passer à côté.

En attendant, on manque d’ailleurs toutes les occasions de développer un marché privé qui se voudrait plus artisanal et moins industriel, tellement les règles encadrant la production personnelle et à petite échelle seront strictes. Idem pour tout ce qui s’apparenterait à des coffee shop. À l’image du secteur de l’alimentation, les seuls joueurs seront les gros joueurs.

Congé pour le jour du Seigneur

Le marché illicite s’est adapté : toute une gamme de produits dérivés, principalement comestibles, sont désormais plus accessibles que jamais. Autre dommage collatéral d’une légalisation improvisée plutôt intéressant pour les 18-21 qui ne pourront faire affaire avec la SQDC : les prix dans la rue sont désormais similaires à ce qu’ils étaient il y a plus de 10 ans ! Se mettre la tête dans le sable pousse les jeunes vers ce marché, alors qu’on cherchait précisément à lui nuire et à protéger les jeunes.

« Un congé le dimanche pour le jour du Seigneur », voici ce qu’une connaissance qui œuvre sur le marché noir du cannabis me répondait lorsque je l’ai questionné à savoir ce qu’entrainerait pour lui la légalisation. Je commence à comprendre son point de vue. En improvisant d’une telle manière sur des questions aussi importantes, on peut s’attendre à ce que les vieilles structures en place survivent encore un bon moment.

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