Je suis loin d’être une fervente de la gratuité scolaire, mais le traitement réservé à cette option dans les derniers mois frise sérieusement le ridicule. Il semble que le simple fait de prononcer les mots déchaine le « citoyen moyen ».

Paranoïa et gratuité scolaire paranoïa

Je suis loin d’être une fervente de la gratuité scolaire, mais le traitement réservé à cette option dans les derniers mois frise sérieusement le ridicule. Il semble que le simple fait de prononcer les mots déchaîne le « citoyen moyen ». 

Rosalie Readman

À vrai dire, je le trouve bien mêlé ce «citoyen moyen». Parlez-lui de retour du débat sur l’avortement, il ne se lèvera pas en criant que c’est radical, parlez-lui de millions de dollars de ses impôts envolés en corruption et il fera quelques commentaires indignés, mais ne se mettra pas à crier.

Attention toutefois, n’essayez surtout pas de discuter de gratuité scolaire avec « ce citoyen moyen » car ça, ÇA, c’est dangereux, radical, et vous aurez des cris. Sérieusement, j’ai rarement vu deux mots mis ensemble qui pouvaient susciter tant de haine chez les gens.

Un syndrome dérangeant lorsqu’on parle de gratuité scolaire est aussi que la discussion dégénère inévitablement sur les manifestations. Un autre de mes gros « plus capable » réside justement dans ces gens de partout dans la ville de Québec qui adorent partager leur traumatisme quant aux manifestations de soir du printemps dernier.

Hey! Les manifestations comportaient un maximum de 150 personnes, ce qui donnait un gros défilé d’environ 2 minutes par soir devant une maison et ça, c’est seulement si vous habitiez entre la rue Cartier et l’Assemblée nationale ou en Basse-Ville. Vous pourrez donc comprendre que je suis extrêmement perplexe devant le traumatisme des gens habitant entre Charlesbourg et la Pointe-de-Sainte-Foy.

Voir des gens aussi paniqués que s’exprime dans l’opinion publique une vision qui soit un peu nouvelle, un peu différente de la leur, est révélatrice. Les Québécois sont habitués à des désaccords bien tranchés: Tout le monde en parle ou Occupation double, chicanes entre anglophones et francophones, un pays pour le Québec ou non…

En contrepartie, essayez de sortir de votre zone de confort et vous verrez, ça dégénère rapidement. Vous voulez essayer, au Québec, de parler sereinement d’accommodements raisonnables, de frais de scolarité ? Bonne chance.

La formulation maladroite employée par une journaliste de Radio-Canada au Téléjournal il n’y a pas très longtemps en est une démonstration flagrante : « Des manifestants menacent de faire valoir leur point de vue», disait-elle. Pas menacent de s’en prendre à la population, de bloquer une route, de déranger un événement public ou de faire du bruit; ils menaceraient de donner leur opinion, leur opinion qui, scandale, était différente.

Oubliez l’attente dans les urgences, les voleurs en cravate, les températures de -35 degrés Celsius, les gaz de schistes ou la pauvreté; la vraie menace numéro un au Québec: la diversité d’opinions.

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