Requiem pour les humanités

Ca ne se vend plus? Tant pis, plus personne n’y remettra les pieds.

C’est en somme ce qui a été la conclusion du dossier « baccalauréat en ethnologie à l’Université Laval ». La « clientèle » n’était plus là. On a donc jeté le programme par la fenêtre, à la poubelle des savoirs qui ne rapportent plus rien au porte-feuille. Certains diront que ce n’est pas grave, qu’il y aura une meilleure offre aux cycles supérieurs et que tout va rentrer dans l’ordre. De cette façon, « la discipline sera mieux servie », croient-ils.

Est-ce raisonnable de penser qu’on peut bien servir la discipline en se débarrassant d’un des programmes de formation en ethnologie figurant parmi les plus importants au pays? A-t-on au moins pensé aux potentielles méthodes de refondation et de revalorisation du programme? Impact rapportait les propositions – très louables – d’un professeur du Département des sciences historiques dans sa couverture de la semaine dernière. Elles semblent malheureusement avoir été jetées par la fenêtre avec les restes du programme d’ethnologie.

Il se trouve également un véritable problème dans ces pathétiques conceptions de l’étudiant-client et du programme-service qu’entretiennent les administrations universitaires. On se plaît de plus en plus à nous traiter comme les consommateurs de savoirs qu’on espère nous voir devenir. Le cas du baccalauréat en ethnologie n’est ici qu’un exemple des dérives que peut occasionner ce type de gestion. La simple intégration du principe de l’offre et de la demande dans la justification d’une telle décision, dans un tel contexte, a de quoi faire rager. Peut-on vraiment croire qu’il soit encore et toujours nécessaire de demander à nos intendants de limiter la métamorphose des universités en gigantesques places du marché?

J’ai bien peur que oui. Ultimement, ce que veulent nos universités, c’est du fric. Si elles ne peuvent aller le chercher ici, elles iront le chercher là. Hop! On modifie l’offre en fonction des demandes du marché et on récolte. Tant pis pour les responsabilités traditionnelles des institutions universitaires.

C’est ce type de dévalorisation qui explique les déboires des programmes de sciences sociales, de sciences humaines et de lettres. On les laisse pourrir parce qu’on le ne leur associe pas d’utilité ou de pertinence administrative et économique. À partir de là, c’est la chute: de moins en moins de considération, de moins en moins de visibilité et, enfin, de moins en moins d’inscriptions. Triste fin pour les humanités.

Allez, ethnologues, à la vôtre.

Consulter le magazine