Photo: Alice Beaubien

Trois petits tours et puis s’en vont

Après cinq semaines à se faire promettre vents et marées de changement, à être segmenté(e)s en clientèles à convaincre, à effrayer ou à acheter, à lire jour près jour une myriade de chroniques d’humeur, à assister à un combat de lutte constant avec des règles plutôt variables, nous sommes désormais à même de constater qui formera le prochain gouvernement.

Pour le commentaire, je dis « nous », mais au moment d’envoyer ce journal à l’impression, les résultats se font connaitre encore au compte-goutte. Vous avez ainsi un bien meilleur portrait global que le mien, bien que je me permettrai quelques commentaires de fin de campagne.

Beaucoup de promesses, peu de projets

Luc Lavoie disait dimanche dernier à Guy A. Lepage qu’il s’agissait pour lui de l’une des campagnes ayant maintenu le débat public à son plus bas niveau. Il blâme notamment le « big data » et le clientélisme de tous les partis, qui consolident leurs gains électoraux en disant aux électeurs et électrices précisément ce qu’ils et elles veulent entendre.

La plus vieille campagne électorale québécoise dont je me souviens est l’élection de Jean « je suis prêt » Charest en 2003. Monsieur Lavoie pourra me corriger, mais les commentaires ne volaient pas particulièrement plus haut à l’époque, à la différence qu’avec Internet en moins, les chroniqueurs professionnels, machines à vendre du clic et de la pub, n’avaient pas chaque jour à produire du contenu.

Peut-on vraiment dire que la campagne manquait de grands projets, ou devrait-on plutôt dire que les électeurs et électrices, tout comme les médias, n’étaient pas prêts à tendre l’oreille ? Lorsqu’on voit l’environnement comme un projet clientéliste pour « attirer les jeunes », c’est peut-être qu’on est trop collé dans la vitre pour se rendre compte qu’il s’agit d’un enjeu de société qui nous traversera qu’on le veuille ou non.

Même chose pour les ainés. Un coup d’œil rapide à la pyramide d’âge devrait vous convaincre qu’il est loin de s’agir d’une simple question de clientèle électorale, mais bien de la vie quotidienne de personnes ayant donné les meilleures années de leur vie à nos sociétés, et d’un sérieux enjeu économique à venir. Que la facture soit privée ou publique, elle nous reviendra à nous, peu importe que ce soit en ayant un système de santé efficace ou des maisons de retraites ultra-top-niveau.

Plaidoyer pour le droit de chialer

Que vous ayez voté ou non, c’est aujourd’hui que la joute démocratique reprend, après cinq semaines en suspens. Les questions environnementales, économiques et sociales qui nous traversent ne se règleront pas avec de grandes promesses en campagne, et le gouvernement est loin d’être le seul acteur dans ces sphères.

La société civile, par son engagement dans différentes causes, sera constamment dans l’arène publique avec des acteurs privés, notamment, pour la définition de ce qui cause problème et de ce sur quoi nous devrons agir collectivement. L’élection d’un gouvernement ou d’un autre est loin d’être une fatalité, dans la mesure où les processus de décisions ne se limitent absolument pas à la volonté des personnalités politiques, souvent éphémères.

La lutte pour plus de justice, un environnement sain et prospère, un développement conscient des communautés, elle continue sur tous les fronts ; seulement avec de nouveaux pions en place.

La société civile, c’est toi, c’est moi, c’est nous.

Ainsi, libéraux, caquistes, péquistes, solidaires et abstentionnistes, je vous invite à chialer. Chialer haut, chialer fort, chialer souvent, chialer bien. Ce ne seront pas les occasions qui manqueront.

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