À voies réservées, réactions déplacées

La nouvelle a sûrement déjà dû cheminer dans votre actualité virtuelle ou même dans votre actualité télévisuelle, mais si vous ne le saviez pas déjà : la question des voies réservées aux autobus sème la controverse dans la ville de Québec.

Actes irresponsables
Certains d’entre vous ont dû ajuster leur appareil quand ils ont entendu que des automobilistes ont coupé des autobus pour les empêcher d’atteindre leurs voies réservées sur Robert-Bourassa. Déjà que la ville de Québec a une réputation peu flatteuse à propos du savoir-vivre de ses automobilistes, on peut penser notamment à l’incident impliquant Radio X et les cyclistes. Il semble que la nouvelle cible de la radio-poubelle soit la voie réservée aux autobus. Suivant la même logique, la  meilleure manière d’y remédier est également d’inciter à encore plus d’actes dangereux de la part d’automobilistes.

Les voies réservées : sujet du moment
Si la voie réservée sur Robert-Bourassa a bien rempli les manchettes, la rénovation de l’autoroute Henri-IV et l’ajout d’une voie réservée subséquente a créé l’équivalent d’un petit tsunami médiatique. Une pétition parrainée par un député de l’Assemblée nationale ainsi que d’innombrables interviews des apôtres de l’automobile pour dénoncer cette injustice flagrante ont circulé. Bien entendu, la pétition a été publiée à outrance sur les ondes des radios d’opinions de Québec sans trop d’égard pour l’approfondissement de la question ou la construction d’un argumentaire qui dépasserait les considérations qui accompagnent la pétition.

Un argumentaire qui tend vers la Myopie
D’emblée, il est vrai que la voie réservée n’est pas une solution directe aux ennuis de trafic sur l’autoroute 573. Il est aussi avéré que le peu de parcours de transports en commun qui cheminent sur cet axe rendent  l’ajout d’une voie qui leur est propre peu efficace. Cependant, il est totalement irresponsable de croire que ces seuls arguments pourraient être considérés comme une ébauche de réflexion rationnelle. Il est très important de mentionner que si Québec souhaite régler ses problèmes de bouchons de circulation, ce n’est pas en répétant les mêmes recettes qui l’ont menée là que la ville améliorera sa situation. Le parc automobile n’étant pas du tout en voie de rétrécir et l’élargissement simple de l’autoroute ne ferait que paver, à grands frais de surcroît, une voie directe vers les mêmes problèmes dans quelques années. Comme plusieurs voix, cependant moins puissante que celles des ténors des radio-poubelles, l’ont déjà exprimé dans l’espace public, le problème de circulation de la ville de Québec n’est pas un problème d’infrastructures, mais en est bel et bien un de mentalité et d’étalement urbain. On se plaint souvent d’une vision de « patchage de trous » chez nos élus, je crois que l’élargissement de l’autoroute Henri-IV est une opportunité de faire preuve d’un peu de vision a long terme, pour une fois.

Vers un changement de mentalité
Il est difficile de dire si la volonté de rajouter une voie réservée aux autobus sur Henri-IV et Robert-Bourassa trouve sa source dans ce réel optique de développement durable ou non, mais elle est selon moi une très bonne manière d’amorcer un changement de mentalité dans la société. Bien que le RTC et l’administration de la ville semblent encore rébarbatifs face à l’initiative du gouvernement Marois; (ce qui à mon sens est probablement la partie la plus révoltante de toute l’affaire des voies réservées) il est à espérer que ce nouvel ajout incite des travailleurs et des étudiants à réclamer plus de lignes de transports sur l’axe de l’autoroute Henri-IV. Puisque chaque autobus peut contribuer à sa pleine capacité à retirer au moins une soixantaine de voitures de la route, le retrait des véhicules individuels des embouteillages se présente comme un moyen efficace de rendre la circulation fluide plutôt que de recomposer la structure du trafic en le rendant plus large que long. De plus, je crois que pour accélérer le changement de mentalité, il faut aussi faire place aux initiatives individuelles. Si un citoyen décide d’embarquer ses collègues de travail avec lui le matin pour diminuer ses coûts et sa production de polluants, on devrait aussi lui permettre d’utiliser la voie réservée. L’automobile reste un moyen de transport pratique et dont le besoin est parfois bien présent.

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