Comment pouvons-nous déterminer si les bébés sont conscients de leur environnement, même s’ils ne savent pas encore parler ni communiquer leur pensée ?

À quel moment les bébés commencent-ils à être conscients ?

Comment pouvons-nous déterminer si les bébés sont conscients de leur environnement, même s’ils ne savent pas encore parler ni communiquer leur pensée ? Pour contourner ce problème complexe, une équipe française a étudié l’activité neuronale de 80 bébés de 15 mois et moins. Elle a enregistré l’activité électrique de leur cerveau en réponse à des images de visages, pour conclure que les nourrissons auraient une conscience de leur environnement similaire à celle des adultes dès l’âge de cinq mois.

Maya Bernard

Les bébés ont longtemps été considérés comme des êtres dotés de compétences et de comportements automatiques et sans subjectivité consciente. Aujourd’hui, on sait que les nourrissons ont un répertoire comportemental et cognitif sophistiqué, qui démontre qu’ils ont une réflexion consciente.

Néanmoins, démontrer cette conscience reste difficile, car ils ne peuvent rendre compte de leur pensée, et que certains mécanismes, comme les clignements des yeux, peuvent simplement être de type réflexe plutôt que conscient. Pour détecter cet état de conscience, la chercheuse Sofie Gelskov du Centre National de la Recherche Scientifique ( CNRS ) à Paris a passé à la loupe l’activité neuronale de 80 bébés avec un électroencéphalogramme ( EEG ). Les chercheurs ont publié leurs étonnants résultats dans la prestigieuse revue Science à la fin avril.

S’inspirer des résultats chez les adultes

Des études récentes chez des adultes ont révélé que, en réponse à la perception d’un événement extérieur, le cerveau réagissait en deux temps. Au cours des 200 à 300 millisecondes, le traitement perceptuel est totalement inconscient, ce qui s’accompagne d’une activité neuronale qui augmente en mode linéaire. En clair, l’amplitude de l’activité électrique augmente en permanence selon la durée pendant laquelle les objets sont exposés.

Par la suite, une seconde étape ( après 300 ms, donc ) est caractérisée par une réponse, cette fois-ci non linéaire, qui correspond au seuil de la conscience. Ce seuil est atteint uniquement lorsque les périodes de présentation de l’objet sont suffisamment longues. Cette réponse tardive et non linéaire par le cerveau est considérée comme le marqueur neuronal de la conscience.

Une réaction plus lente mais bien présente

Au cours de cette étude, la Dre Gelskov a testé ce marqueur de conscience chez 80 poupons âgés de 5, 12 et 15 mois. Pour y parvenir, les bébés ont été invités à regarder des visages pour des périodes de temps plus ou moins longues, c’est-à-dire des périodes au-delà et en deçà de leur seuil de perception. En parallèle, les réponses électriques de leurs cerveaux ont été enregistrées. Dans chaque groupe d’âge, l’équipe de chercheurs a observé la même réaction tardive et non-linéaire que chez les adultes, confirmant ainsi la présence de cette « signature neuronale de la conscience » chez les nourrissons. Cependant, bien que cette réponse soit enregistrée aux alentours de 300 ms chez les adultes, elle n’est apparente que bien plus tard chez les bébés, soit environ 1 seconde.

Ces résultats sous-entendent que les mécanismes cérébraux qui soutiennent la conscience perceptive sont déjà présents à un stade très précoce : dès 5 mois ! Cette réaction consciente s’accélérerait ensuite au cours de leur développement de manière progressive et continue.

Avancées pour les malades ou accidentés

Cette nouvelle compréhension des processus conscients est importante car elle ouvre la voie à l’évaluation de la capacité de perception de personnes malades ou accidentées, et incapables de communiquer. Ces mesures objectives pourraient donc s’avérer utiles pour sonder la conscience de patients dans un état végétatif ou mimimalement conscient.

Aussi, les médecins et pédiatres espèrent que ces résultats pourront fournir une aide concrète face à des cas de conscience infantile, en relation avec la perception de la douleur, de pathologies ou d’anesthésies.

Consulter le magazine