Assassin’s Creed Syndicate : L’histoire au service des jeux vidéo

Jean-Vincent Roy, historien chez Ubisoft, a collaboré à la trame historique du dernier volet d’Assassin’s Creed, campé dans le Londres du XIXe siècle. Le 5 novembre dernier, il était invité à parler histoire et jeux vidéo dans le cadre d’un séminaire de la CEFAN.

Commémorations, patrimoine, généalogie… Le séminaire interdisciplinaire de la Chaire pour le développement de la recherche sur la culture d’expression française en Amérique du Nord (CEFAN) aborde plusieurs usages de l’histoire.

Le 5 novembre, le virtuel était à l’honneur. Les gamers le savent : les jeux à saveur historique ont le haut du pavé. Ages of Empire et autres Call of Duty s’y sont mis ces dernières années, donnant des airs de reconstitution historique au maniement de la manette.

Revisiter l’histoire britannique

Assassin’s Creed est de ces franchises qui exploitent ce filon, non sans succès. Le volet Syndicate, paru le 23 octobre, revisite au travers de deux personnages la ville de Londres à l’ère victorienne, plus particulièrement au cœur de la révolution industrielle anglaise en 1868.

Les enjeux demeurent les mêmes que dans les opus précédents, soit l’opposition entre les assassins et les templiers, la recherche des fragments d’Eden par Abstergo Industries et l’imminence d’une catastrophe qui menace la survie de l’humanité en 2012. Toutefois, les décors, les intrigues et les mécaniques du jeu ne cessent d’évoluer, de s’affiner et assez souvent de surprendre.

Les caractéristiques de la ville de Londres, notamment en matière de population, en faisaient un successeur idéal au Paris de Assassin’s Creed Unity.

Dans le cœur de Londres victorienne

Assassin-s Creed Syndicate - Courtoisie Ubisoft-2
Courtoisie : Ubisoft

Le volet précédant s’étant déroulé en 1789 lors de la Révolution française, il fallait pour ce nouvel opus préconiser une période qui conservait la progression chronologique du jeu de même que les thématiques qui ont forgé les précédents épisodes.

Pour Jean-Vincent Roy, Londres est progressivement devenu un choix plus que judicieux. En effet, les caractéristiques de la ville, notamment en matière de population, en faisaient un successeur idéal au Paris de Assassin’s Creed Unity. Le Londres de la révolution industrielle est l’une des villes les plus peuplées d’Europe, possède une taille imposante et une richesse culturelle et scientifique en constante effervescence.

Un autre facteur déterminant dans le choix de Londres a sans doute été son caractère avant-gardiste de Londres dans l’avancement vers l’ère industrielle. Il s’agissait pour M. Roy et de ses collègues d’une ère de « transformation des modes de production qui a grandement influencé toutes les sphères de la vie humaine ».

Il fallait par exemple restituer le plus fidèlement possible l’architecture intérieure et extérieure des bâtiments, les systèmes et réseaux de transports, les points d’éclairage ou encore les conditions climatiques.

Être historien pour Assassin’s Creed

Jean-Vincent Roy se dit avant tout coordonnateur de la connaissance. Il doit collecter, organiser, synthétiser et transmettre toute sorte d’informations qui permettront à l’équipe de développeurs de comprendre et restituer au mieux de leurs ressources et compétences les particularités qui contribueront au réalisme et à la jouabilité du jeu. Cette coordination de la connaissance se concrétise sur trois plans lors de la conception : la ville, les activités humaines et les personnages.

Pour ce qui est de la ville, il fallait par exemple restituer le plus fidèlement possible l’architecture intérieure et extérieure des bâtiments, les systèmes et réseaux de transports, les points d’éclairage ou encore les conditions climatiques. Pour ce faire, l’historien devait consulter d’anciennes cartes, visiter des musées ou encore consulter avec des experts.

En matière d’activités humaines, l’important était de s’approprier les us et coutumes de la population. L’historien s’efforçait donc de comprendre les différentes couches sociales – du langage aux interactions les unes avec les autres – et s’informer sur les sujets d’actualités de l’époque.

Finalement, il important de bien cerner la morphologie des hommes et des femmes – qui évolue depuis les années 1830 – et les codes vestimentaires en vigueur afin de donner aux personnages un caractère réaliste.

Coller aux réalités de l’époque est crucial, mais pas de façon aveugle. M. Roy n’a cessé de le souligner : il n’est pas nécessaire de reproduire chaque détail à l’identique, sous peine de voir les ressources techniques et financières faire défaut. Lorsque le résultat réel ne pouvait être atteint, il était question de supprimer ou d’ajuster un élément en utilisant quelques subterfuges visuels. C’est principalement ce type de contraintes qui peut amener certains joueurs à se plaindre d’éléments manquants sur le plan historique.

Assassin’s Creed 101

La franchise Assassin’s Creed est bâtie autour d’un concept intriguant et engageant. Une technologie, l’Animus, permet de puiser dans la mémoire génétique de certains individus afin de les projeter à des moments-clés, aussi bien de la vie de leurs ancêtres que des évènements qui ont indéniablement façonné le monde contemporain. Ainsi, chaque opus plonge le joueur dans une expérience ludique, mais aussi culturellement enrichissante dans l’exploration de lieux historiques, les interactions avec des personnages illustres ou encore la résolution d’énigmes basées sur des mythes, légendes ou œuvres d’art.

 

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