Brevet, serial-killer de l’invention

Le nerd de la semaine: Pierre-Louis Curabet

L’empire pommier est en marche pour écraser tous ses concurrents. Le 24 août dernier, Apple a remporté une franche victoire contre Samsung dans la guerre des brevets. Après l’examen de quelques 700 plaintes, le tribunal de San Jose en Californie a condamné la firme sud-coréenne a versé 1,05 milliards de dollars (1,035 G$ CA) à son concurrent américain pour violation de brevets de tablettes et de téléphones intelligents. Encouragée par cette décision de justice, l’entreprise créée par Steve Jobs continue son offensive. Elle a déposé une nouvelle plainte pour violation de brevets contre Samsung aux États-Unis, en fin de semaine dernière.

Cette notion de brevet, liée à celle de monopole, n’est pas nouvelle. Ainsi, Aristote utilisait déjà le terme de « monopole » dans son livre Les politiques, en 347 avant J-C. En Égypte, avant même la conquête romaine en – 31, le régime des pharaons avait, entre autres, un monopole sur le papyrus. Beaucoup plus tard, en France, un édit de 1762 créé un recours juridique pour « récompenser l’industrie des inventeurs ou exciter celle qui languissait ».

Cette argument d’encourager les investissements en Recherche & Développement est prédominant dans la bouche de ceux qui défendent le système de brevets. A l’inverse, d’autres affirment que cela crée des monopoles qui lèsent les consommateurs. L’une des figures de proue de ces opposants s’appelle Richard Stallman. Ce dernier, guru du logiciel libre, pourfend principalement les brevets logiciels. « Les brevets logiciels sont un immense gâchis. Non seulement ils constituent une jungle pour les développeurs de logiciels, mais en plus ils restreignent la liberté de chaque utilisateur d’ordinateur, car chaque brevet logiciel restreint ce que vous pouvez faire avec un ordinateur ».

Chacun ses opinions, chacun ses arguments, mais si on se pose deux minutes pour y réfléchir, la question n’est-elle pas de savoir si l’on veut tous devenir des pommes d’Apple ? Le risque est que si l’arbre pourrit, les fruits aussi. D’un côté, sans système de brevets, les abeilles inventrices pourraient butiner un peu partout au profit de la vitalité de l’écosystème. De l’autre, en position de monopole, il n’est pas sûr qu’une firme soit poussée à innover. Alors qu’Albert Einstein affirmait que «si l’abeille disparaissait de la surface du globe, l’homme n’aurait plus que quatre années à vivre », on peut penser que le système de brevets étouffe les inventeurs au détriment de l’innovation, et donc des consommateurs.

Crédit photo Une : courtoisie, Dennis Mojado, creative commons

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