Découvrir 2000 ans d’histoire

Capitale lycienne du monde antique, Xanthos, située à 7 km de la mer, aura vite intéressé Sir Charles Fellows. C’est en 1838 que l’archéologue britannique a découvert ce site, qui comprend une ville, mais aussi un sanctuaire, le Létôon, à 4 km. En 1950, les lieux ont ensuite été accordés à une concession française, sous la direction de Pierre Demargne puis de Jacques des Courtils en 1997. Cette entente donna «uniquement aux Français le droit de fouilles, le territoire appartenant toujours aux Turcs», explique M. Baker.

À la recherche des écrits
De 1892 à 1894, «une mission autrichienne av­­ait parcouru toute la Lycie afin de noter une grande partie des inscriptions gravées sur des supports durables, comme la pierre, dont 134 avaient été retrouvées à Xanthos», nous apprend M. Baker. Pourtant, même si on a continué à publier ici et là l’essentiel des textes retrouvés à Xanthos, rien de sérieux n’avait encore été mené jusqu’en 2000, année où M. Baker a été invité «à prospecter le site entier, pouce par pouce», à titre de responsable de la mission épigraphique. Il devint alors le premier épigraphiste à travailler en lien avec cette recherche.

M. Baker ignorait au départ qu’il trouverait «autant de textes grecs, car les historiens, qui s’étaient beaucoup plus penchés sur l’étude de la période byzantine du site, plus tardive, pensaient qu’il n’y avait en ces lieux tout simplement rien datant de cette époque». Pourtant, en retournant chaque pierre du périmètre de prospection, Patrick Baker et Gaétan Thériault, professeur au Département d’histoire de l’Université du Québec à Montréal, avec la participation de quelques étudiants, ont retrouvé une quantité incroyable de textes.

De belles trouvailles
«À ce jour, on en est à 788 textes anciens inédits, complètement nouveaux, dont une grande partie date du Haut-Empire romain des 1er et 2e siècles après J.-C. On a retrouvé des textes en latin mais aussi en grec, dont quelques-uns qui sont inscrits en lycien, provenant de l’époque hellénistique», dévoile M. Baker. «On a découvert beaucoup de textes de nature funéraire et honorifique. On a même retrouvé une inscription au nom d’Alexandre le Grand et une dédicace à l’empereur romain Hadrien», ajoute-t-il. Il faut comprendre que Xanthos fut longtemps la plaque tournante de la Lycie, sa métropole et le site historique le plus important de cette région.

Les recherches de M. Baker ont été financées, de 2001 à 2003, par le Fonds pour la Formation de chercheurs et l’aide à la recherche du gouvernement du Québec (FCAR) et par le Fonds québécois de la recherche sur la société et la culture (FQRSH) et, de 2004 à 2007, par le Conseil des recherches en sciences humaines du Canada (CRSH). En parallèle avec ses travaux de recherche, M. Baker doit amener des résultats et publier des articles afin de justifier l’importance des fouilles canadiennes à Xanthos. «C’est au laboratoire de l’Université, ici à Québec, qu’on travaille afin de traduire les textes. C’est une grande chance pour quelques étudiants qui travaillent sur le projet avec nous, ici, ou directement à Xanthos, car il existe très peu d’équipes canadiennes qui collaborent à des expéditions méditerranéennes», fait remarquer M. Baker.

Sur le terrain
Mathieu Rocheleau, qui commence son doctorat à l’Université Laval en lien avec l’Université de Bordeaux sur l’utilisation du 3D à des fins de recherches historiques, travaille à Xanthos depuis 2005, alors qu’il était à la maîtrise. «Au départ, j’y allais comme étudiant pour faire la prospection du site, puis parce que j’avais une formation en photographie, j’en suis venu à m’occuper presque entièrement de la prise de photos», mentionne M. Rocheleau. Pour lui, c’est en 2005 que tout a commencé, alors qu’il a reçu l’offre de M. Thériault, son co-directeur de maîtrise, de participer à ce projet. «Si je n’avais pas travaillé à Xanthos, je n’aurais jamais rencontré l’équipe de recherche à Bordeaux, qui cherchait un étudiant du Québec pour faire un doctorat en histoire lié à l’informatique, afin d’établir un lien de cotutelle. C’était leur condition pour le doctorat. Je crois franchement que ça a changé ma vie.»

Mathieu Rocheleau poursuit en insistant sur le fait qu’«il est incroyable de voir comment tout fonctionne lorsqu’on travaille sur un site. C’est enrichissant de travailler avec une équipe 24h sur 24 et de découvrir des textes.» Pour lui, la première fois que l’on trouve soi-même une pierre inscrite reste un moment inoubliable. Il renchérit en expliquant qu’il «est assez facile pour n’importe quel étudiant d’aller travailler en France. N’importe qui peut y aller, ça peut être un loisir, une expérience de vie.» M. Baker ajoute qu’il suffit d’acheter une revue sur l’archéologie en vente n’importe où et de prendre les coordonnées des instituts français qui offrent la possibilité de travailler sur des sites européens. Il recommande aux étudiants des départements d’histoire et d’archéologie de participer à des fouilles car, «pour un étudiant, c’est la meilleure expérience de sa vie», conclut-il.

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