Des bactéries pour recycler le palladium

L’utilisation de la biomasse –  notamment des bactéries –  dans la chimie verte permet de « gagner en efficacité dans les procédés catalytiques », mais aussi de « réduire efficacement les éléments toxiques ».  Dans cet ordre d’idée, l’introduction d’un dérivé de la bactérie E coli dans le processus de réduction du palladium de sa forme saline ( palladium II ) vers sa forme métallique ( palladium 0 ), a l’avantage de mieux « organiser » la matière. Ainsi, la « concentration du palladium dans les membranes cellulaires de la bactérie » constitue une façon de mieux recycler le métal, explique Thierry Ollevier, professeur au Département de chimie de l’Université Laval.

Une fois que le palladium a été réduit en nanoparticules – l’action des bactéries décuplant le nombre de surfaces qui peuvent recueillir les polluants – il est prêt à être utilisé pour des réactions chimiques ultérieures. En effet, la bactérie Desulfovibrio desulfuricans, dérivée du E coli, parvient à réduire le palladium en une taille infiniment petite, inatteignable avec les agents chimiques, rappelle M. Ollevier.

L’avantage de la voie biologique
Le recyclage du palladium n’est cependant pas d’hier. Sa réduction est déjà possible et largement utilisée de différentes façon et grâce à divers agents chimiques, note Thierry Ollevier. La nouveauté annoncée dans la revue Microbiology est donc l’implication de la biomasse dans le procédé. « L’intérêt de la présente étude se trouve dans la voie biologique », confirme l’expert en chimie verte. Contrairement aux agents chimiques, « on peut faire croître et produire de la biomasse », poursuit-il. Aussi, on règle en partie le problème de toxicité des agents chimiques. Des bioréacteurs sont de ce fait utilisés pour créer la biomasse, à l’instar des réacteurs chimiques.

Actuellement, une variété de solvants chimiques sont plutôt utilisés pour faire passer le palladium de sa forme saline ( palladium 2 ) à sa forme métallique ( palladium 0 ), rappelle le professeur. La spécificité du recyclage biologique est donc de permettre l’utilisation de solvants à base d’eau. « Les solvants chimiques sont chers et toxiques », expose Thierry Ollevier. « La réduction biologique du palladium 0 rend l’utilisation de solvants aqueux encore plus attrayante », assure-t-il.

L’expert note cependant que des procédés chimiques ont déjà faits largement leurs preuves et qu’à titre de chimiste, la prudence est de mise. « La chimie a une longue histoire de milliers de processus qui marchent bien. Les études se focalisent évidemment sur de nouvelles sources qu’il faut incorporer petit à petit », soutient le professeur, qui prévoit néanmoins introduire cette découverte à la matière du cours qu’il enseigne sur la chimie verte.

À prime abord, M. Ollevier ne voit pas de « restrictions » aux utilisations du palladium biologique dans la chimie pharmaceutique ou analytique, par exemple. « Toute méthode biologique qui pourrait remplacer les méthodes actuelles est intéressante », affirme-t-il. L’annonce fait donc bonne presse dans le milieu.

À savoir si le prix explosif de ce métal rare pourrait décroitre avec l’utilisation biologique qu’on vient de lui découvrir, M. Ollevier ne croit pas à une baisse à court terme. Le palladium s’est d’ailleurs rapproché de son sommet historique de 1265,30 $ dollars américain atteint en juin, alors que le 3 septembre dernier, il bondissait à 1254,73 $ l’once.  « Que l’on s’oriente vers des aspects de recyclage est positif », note cependant le professeur. » « L’industrie est de plus en plus conscientisée à l’aspect de minimiser les rejets toxiques, assure-t-il.

Des hypothèses qu’on avance finalement sur le potentiel énergétique du palladium recyclé, Thierry Ollevier juge qu’elles sont peut-être « lointaines ».  L’auteur de la recherche, le chercheur Kevin Deplanche de l’Université de Birmingham, expose que les déchets métalliques du palladium  pourraient être convertis en « catalyseurs de haute valeur destinés à la chimie verte et à la production d’énergie propre », de surcroît l’hydrogène ultimement utilisé dans des piles. M. Ollevier estime que cette propriété catalytique est du moins « très intéressante » mais « certainement prématurée ».
 

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