Thèse en bref : la recette du succès de l’agriculture nordique

Ellen Avard, doctorante en sciences géographiques de l’Université Laval, étudie comment Kuujjuaq, un des 14 villages du Nunavik, s’est mobilisé autour d’un ambitieux projet de serres communautaires.

Lorsqu’Ellen Avard, alors étudiante à la maîtrise, a été approchée en 2008 par le Conseil québécois de l’horticulture pour scruter la possibilité d’implanter à Kuujjuaq un projet de serres nordiques axé sur l’agriculture biologique et locale, elle ne se doutait pas de l’ampleur que le tout prendrait.

En effet, l’initiative s’inscrivait à l’époque dans une perspective de lutte à l’insécurité alimentaire, un phénomène particulièrement présent au sein des communautés autochtones nordiques.

S’approvisionner en produits alimentaires frais lorsqu’on habite dans un village situé au-delà du 49e parallèle n’est pas une mince tâche. Les coûts de transport prohibitifs, les délais d’acheminement relativement longs et l’irrégularité des arrivages sont tout autant de défis qui rendent la simple consommation d’une feuille de laitue difficile et, disons-le, franchement peu tentante. Selon Mme Avard, environ 80 % de l’apport alimentaire de ces communautés provient des produits dits « du Sud », de là la nécessité de proposer des options locales.

Or, au fil de ses visites dans le village de 2300 âmes, de ses partenariats avec diverses instances régionales et municipales ainsi que de l’intérêt qu’elle a suscité un peu partout autour d’elle, l’étudiante chercheuse s’est rendue compte de l’immense potentiel du projet. « Les gens sur place nous demandaient : est-il possible de mettre sur pied des activités pour les enfants? Est-il possible de faire de la réinsertion sociale? Est-il possible de faire pousser des fleurs? […] Manifestement, nous ne pouvions en rester qu’à la question de l’alimentation », affirme-t-elle, soulignant par le fait même l’immense apport de ses collaborateurs et de ses bailleurs de fonds tout au long de ses démarches.

Au-delà de toutes les attentes

Aujourd’hui et après de nombreuses heures de dur labeur plus tard, le projet pilote de Kuujjuaq est arrivé à maturité. Les habitants gèrent maintenant eux-mêmes les serres communautaires dans lesquelles de multiples projets (jardin communautaire, compost, etc.) sont actifs. Selon Mme Avard, l’autonomie à laquelle la communauté est parvenue constitue un des plus beaux accomplissements du projet. « Elle en tire une très grande fierté, un très grand sentiment d’appartenance. […] Je ne m’y attendais tellement pas [lorsque nous avons débuté le projet] » soutient l’étudiante chercheuse.

De plus, plusieurs acteurs provenant de différentes disciplines telles que l’ingénierie, la nutrition humaine et l’agronomie se sont greffées au projet, en faisant une entité authentiquement multidisciplinaire. « Je sais que c’est actuellement le buzzword en recherche, mais je pense avoir raisonnablement le droit de l’utiliser dans ce cas-ci! », souligne-t-elle au passage.

Actuellement, Mme Avard en est à faire le bilan final de sa participation dans le projet pilote de Kuujjuaq. Elle dresse une liste des facteurs qui, comme le nom de la thèse qu’elle écrit présentement l’indique, expliquent « comment développer un nouveau modèle d’approvisionnement local dans le Nord ». Son but : fournir, clés en main, la recette du succès pour implanter d’autres initiatives similaires dans les communautés autochtones du nord du Québec.

Il sera possible d’entendre Ellen Avard parler de son expérience lors de la 5e Fête des semences et de l’agriculture urbaine de Québec qui aura lieu à l’Université Laval le dimanche 2 mars prochain.

Consulter le magazine