Des groupes de scientifiques et d’écologistes veulent donner une personnalité juridique au Saint-Laurent

Les organisations CentrEau, regroupant des expert.e.s Québécois.e.s de la gestion de l’eau, et Réseau Inondations InterSectoriel du Québec (RIISQ), visant à réduire les risques d’inondation et leurs conséquences, ont coorganisé un webinaire dans lequel Yenny Vega Cardenas a pu présenter le projet de la reconnaissance d’une personnalité juridique pour le fleuve Saint-Laurent. La présidente de l’Observatoire international des droits de la Nature (OIDN) a élaboré durant sa conférence d’une trentaine de minutes les avantages environnementaux que cette initiative pourrait avoir.

Par Ludovic Dufour, Chef de pupitre société

La conférencière commence par expliquer la nécessité d’un changement d’approche de la justice environnementale vers la justice écologique. Alors que la justice environnementale met l’accent sur la protection des droits humains en donnant droit à un environnement sain ou en protégeant les droits des générations futures, la justice écologique met plutôt l’accent sur la nature elle-même. Elle propose la reconnaissance de la dignité des écosystèmes et des créatures vivantes et l’accord de droits à la nature elle-même, non pas pour protéger l’humain, mais pour protéger l’environnement. En bref, cette approche suggère de traiter la nature comme un sujet de droit et non un objet.

L’humain étant une partie de la nature, il n’est pas laissé à l’écart par ce changement de paradigme. Au contraire, non seulement ses besoins sont considérés comme celui des autres espèces, mais la protection de la nature lui assure un meilleur avenir, un environnement sain et une protection des futures générations. En ce sens, la justice environnementale et la justice écologique ne sont pas contraires, elles sont plutôt complémentaires.

L’OIDN propose neuf droits qui pourraient être accordés au Saint-Laurent visant à protéger la qualité de l’eau, limiter la pollution, conserver les espèces qui y vivent, mais prévoie aussi le droit de poursuivre en justice les entités bafouant ces droits. Ces droits ont déjà été accordés à la rivière Magpie par une déclaration de la MRC de Minganie et du Conseil des Innus d’Ekuanitshit. C’est d’ailleurs la première entité naturelle à bénéficier du statut de personnalité juridique au Canada.

Afin que le Saint-Laurent soit capable de défendre son intérêt, Madame Cardenas propose que la science et les connaissances traditionnelles forment la «voix» du fleuve. Ainsi les scientifiques et les Premières Nations seraient capables, dans une approche pluraliste, de représenter le fleuve.

La personnalité juridique du fleuve lui permettrait également d’être représenté par des gardiens et gardiennes qui veilleraient à son bien-être. On les classifie en trois catégories. D’abord, les gardien.ne.s moraux, ce qui englobe tout le monde. Ces gardien.ne.s doivent assumer leur responsabilité vis-à-vis du Saint-Laurent. Ensuite, les gardien.ne.s ancestraux.ales, ce qui regroupe les Premières Nations vivant à proximité du fleuve. Finalement les gardien.ne.s légaux.ale.s, qui incluent les ONG, les gouvernements, les Premières Nations, les communautés riveraines, bref tous celleux qui pourraient défendre les droits du fleuve et faire respecter le mécanisme de réparation prévu dans la loi.

Car oui, ce n’est pas qu’une simple proposition. L’OIDN a fait plusieurs années d’études et de consultation dans le but de présenter un projet de loi à l’Assemblée nationale. Ce ne serait pas une première, puisque plusieurs autres cours d’eau, comme la rivière Magpie précédemment mentionnée, bénéficient de cette protection. Le fleuve Río Atrato en Colombie, le fleuve Whanganui en Nouvelle-Zélande, le fleuve Gange et la rivière Yamuna en Inde ont tous une personnalité juridique. Le Bangladesh a été plus loin en déclarant simplement tous les cours d’eau sujet de droit. L’équateur pour sa part a inclus les droits de la nature dans sa constitution.

Madame Cadernas montre les bénéfices d’accorder ces droits au Saint-Laurent pour les riverain.ne.s, les communautés autochtones, le secteur économique et le gouvernement. Parmi les avantages, la transparence et l’inclusion de plusieurs acteurs dans les débats concernant le fleuve permettent à tous les secteurs d’être consultés plus équitablement. Par-dessus tout, la présidente rappelle l’urgence d’agir face à l’état du fleuve qui se dégrade.

L’OIDN est toujours à la recherche de nouveaux.elles partenaires scientifiques, gouvernementaux ou d’ONG pour soutenir son projet. Une pétition pour reconnaitre le Saint-Laurent comme sujet de droit est également disponible sur leur site.

Le webinaire est disponible ici.

Consulter le magazine