Courtoisie, Flickr, Martha de Jong-Lantink, Creative commons

L’Antarctique, aux origines de la vie terrestre

Courtoisie, Flickr, Martha de Jong-Lantink, Creative commons


C’est à bord de l’Orthelius, ancien brise-glace de recherche russe, que Jean-Luc Desgranges, scientifique émérite retraité d’Environnement Canada, s’est lancé à la découverte de la péninsule subantarctique.

Camille Allard

«C’est peut-être le premier continent», lance d’emblée Jean-Luc Desgranges lors d’une conférence qu’il donnait pour le club de minéralogie du Québec. Le conférencier a ainsi souligné que l’Antarctique est le seul continent qui n’ait pas bougé depuis 2 500 ans. «Extrêmement polaires», ses conditions climatiques n’y ont pas changé : 5% seulement du sol n’est pas recouvert de glace, et ce, en été, depuis deux millénaires et demi. Voilà la différence avec l’Arctique : si l’Antarctique est un continent terrestre, l’Arctique est plutôt un océan polaire.

Les conditions extrêmes de l’Antarctique sont caractérisées par des vents dits catabatiques. Ces vents, constitués d’un air sec, dense et glacial, peuvent atteindre 100 km/h le long des côtes du continent. Leur puissance est sensationnelle : «On n’imagine pas la force et la durée des vents», déclare le scientifique. Pourtant, une faune et une flore se sont développé dans ces conditions. En effet, de gros oiseaux adaptés aux vents, comme l’albatros, vivent sur la péninsule subantarctique. De nombreuses espèces de baleines nagent également dans les eaux glacées qui bordent le continent. La végétation est typique d’un pergélisol constant, car elle se compose d’une oasis de lichens et de mousses. Cependant, malgré sa cuirasse glacée et ses apparentes conditions difficiles, l’Antarctique est un continent «fragile et vulnérable, une mémoire de la terre et un témoin révélateur de l’empreinte terrestre».

Cette fragilité est actuellement menacée par l’Homme, dont les intérêts «priment bien souvent sur les intérêts scientifiques», déplore Jean-Luc Desgranges. En dépit du traité de l’Antarctique qui vise à protéger la péninsule subantarctique, le potentiel économique du continent menace l’équilibre de ce dernier. Ainsi, l’installation de stations de recherche, dont la véracité des objectifs principaux porte aux doutes, sème la suspicion parmi la communauté scientifique internationale. Par exemple, l’époque jurassique a laissé différents filons de minéraux exploitables. Des fossiles de dinosaures, ancêtres des oiseaux marins bordant les côtes du continent, y ont aussi été découverts. Des fouilles archéologiques pourraient servir de prétexte à des forages et menacer le sous-sol de l’Antarctique.

De fait, la situation géographique de l’Antarctique est idéale pour des fins d’études dans plusieurs domaines scientifiques. Ainsi, sa position favorable à l’étude de la couche d’ozone fait d’elle un continent convoité. Qui pourra le revendiquer ? L’Argentine, qui souhaite pouvoir s’approprier le territoire dès que possible, a célébré la naissance d’enfants dans sa station Esperanza, alors que ce type de cérémonie est interdit par les édits du traité de l’Antarctique.

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