Regard sur l’hiver québécois: notre cohabitation avec le « frette »

Alors que nous accueillons, bottes aux pieds et morve au nez, les premiers jours de février, l’occasion est bonne de nous pencher sur notre cohabitation avec les températures « frettes ». En effet, comment l’homo quebecus fait-il pour survivre, bon an mal an, à des températures qui flirtent parfois avec les -30 degrés Celsius?

Selon André Gougoux, médecin et professeur de physiologie à l’Université de Montréal, l’être humain a développé plusieurs stratégies adaptatives au cours de son évolution pour maintenir sa température corporelle à 37,0 degrés. « La plus connue est le port de vêtements. Ces derniers emprisonnent l’air chaud à la surface de votre peau et vous fournissent ainsi une couche de protection contre le froid », illustre-t-il. Fait à noter : les poils, lorsque hérissés par les muscles piloérecteurs situés à leur base, accomplissent sensiblement la même fonction.

Or, il arrive parfois que ces stratégies s’avèrent insuffisantes face au « vortex polaire » et aux autres rigueurs de l’hiver. C’est alors que le corps met en branle des mécanismes de conservations et de production de chaleur. « Les vaisseaux sanguins proches de la surface cutanée réduiront leur calibre et les muscles se contracteront d’une manière involontaire. Cela permettra ainsi à l’organisme de limiter ses pertes de chaleur et d’en augmenter de 4 à 5 fois la production », souligne André Gougoux.

Graisse brune

Saviez-vous qu’un tissu adipeux localisé dans votre cou, tout près de vos clavicules, vous aide à affronter le froid? Cette graisse rendue « brune » par sa densité mitochondriale « complémente la production métabolique de chaleur et est particulièrement active lors de l’exposition à des températures froides », explique Denis Blondin, stagiaire postdoctoral au sein du laboratoire du Dr André Carpentier. Ce dernier est situé au Centre de recherche clinique Étienne-LeBel du Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke.

La particularité de la graisse brune vient du fait qu’elle brûle carrément de l’énergie. En effet, sa seule fonction connue est de produire de la chaleur en s’abreuvant à même les réserves de graisses et de sucres. Or, contrairement aux rongeurs « chez qui elle est particulièrement utile lors de l’hibernation », la graisse brune n’est  « ni très abondante, ni très active chez l’humain », soutient Denis Blondin.

Il poursuit : « Cela ne veut toutefois pas dire qu’elle est dénuée d’intérêt. En effet, la graisse brune pourrait constituer une avenue de traitement intéressante pour l’obésité et le diabète. C’est d’ailleurs sur ces questions que notre équipe se penche actuellement ».

Une question de perceptions

Le zéro degré Celsius du mois de novembre est-il le même que celui du mois de mars? Bien que la réponse semble aller de soi, l’apparition d’individus déambulant en t-shirts et en culottes courtes au mois de mars suffit à instiller le doute, d’autant plus qu’il n’est pas rare de voir ces mêmes individus sortir rapidement leurs manteaux et leurs foulards une fois le froid venu!

Selon Denis Blondin, ce phénomène est dû à l’augmentation du seuil de tolérance des thermorécepteurs disséminés partout sur la peau. « Lorsqu’exposés de manière continue au froid, ces récepteurs se désensibilisent et envoient ainsi moins de signaux au cerveau. Autrement dit, ce n’est pas le stimulus qui change lors de la saison froide, mais bien sa perception », conclut le jeune chercheur.

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