Thèse en bref: Promouvoir le patrimoine rural

Qu’est-ce qui donne envie à un touriste d’aller visiter un village situé à plusieurs kilomètres de la ville? Comment s’y prend-on pour mettre en valeur le terroir québécois? C’est sur ces questions que s’est penchée Christine Bricault, candidate au doctorat en ethnologie et patrimoine de l’Université Laval.

Après 10 ans de tournage et 177 villages visités, La Petite Séduction est encore diffusée sur les ondes de Radio-Canada. De même, l’Association des plus beaux villages du Québec compte présentement 36 villages membres et en est à sa 17ème année d’existence. Or, autant l’émission télévisée animée par Dany Turcotte que l’association susnommée ont pour raison d’être de répondre à un engouement grandissant pour le monde rural et le patrimoine des villages du Québec. Christine Bricault, l’affirme clairement : « Le rural a la cote. »

Cependant, si on voit la popularité de la ruralité augmenter au fil des années, c’est qu’il y a des stratégies de mise en valeur utilisées par les différents villages voulant justement profiter de cette vague d’amour pour la campagne.

Pour tenter de comprendre ces techniques de valorisation du patrimoine, Mme Bricault a décidé de se pencher sur le cas d’un village de la Rive-Sud : Saint-Antoine-de-Tilly. Ce hameau fait partie de l’Association des plus beaux villages du Québec en plus d’avoir reçu l’équipe de La Petite Séduction lors de la première saison de l’émission.

C’est donc à force de rencontres avec les producteurs de l’émission de Radio-Canada, d’entrevues avec les habitants de Saint-Antoine-de-Tilly et de lecture de documents fournis par les gens de l’association que Mme Bricault tente de comprendre comment les différents villages voulant dorer leur image arrivent se créer une valeur patrimoniale. Comme elle l’explique à Impact Campus, chaque village est défini par trois aspects, soit le village réel, le village projeté et le village imaginé.

Le village réel, on l’aura deviné, constitue simplement la réalité du village, celle des habitants. Quant au village projeté, c’est l’aspect qui est manipulé à force d’initiatives comme les passages à La Petite Séduction.

Comme l’indique Christine Bricault : « Il y a des espèces de stéréotypes qui sont véhiculés : on montre un village uni, des images de bonheur. […] Moi c’est vraiment ça que j’essaie de voir : ce qui est véhiculé dans cette émission-là. » Dans le cas du village imaginé, on donnera comme exemple l’image que plusieurs ont d’un village traditionnel, un peu comme le Saint-Élie-de-Caxton de Fred Pellerin.

Conserver et développer

Or, la valorisation de ce « village projeté » n’est pas exempt de tout problème. Mme Bricault explique : « On se rend compte, quand on creuse, qu’il y a certains enjeux politiques beaucoup plus importants que ce qu’on peut penser. Dans le cas de Saint-Antoine-de-Tilly, leur devise c’est “Conserver et développer “. Mais parfois, conserver et développer, ça ne va pas très bien ensemble. On veut sauvegarder notre patrimoine, mais on veut aussi ouvrir des nouveaux développements. Il y a beaucoup de villages qui sont pris là-dedans présentement. »

À l’opposé, certains moyens de valorisation du patrimoine sont presqu’abusifs. Mme Bricault a réalisé son mémoire de maîtrise sur le sujet du développement du patrimoine de la route des vins de Brome-Missisquois. « Il y a trente ans, il n’y avait pas de vin là. Aujourd’hui, il y a une vingtaine de vignobles. On est parti d’absolument rien et on a créé un emblème du vin », indique-t-elle.

Or, comme l’explique Mme Bricault, les résidents des villages où pareilles techniques de mise en scène du patrimoine peuvent avoir un certain malaise à l’égard de telles transformations. « Les gens doivent y trouver quelque chose aussi. Les gens sont ouverts mais pas à n’importe quel prix. Ils faut qu’ils sentent une certain cohésion et pas juste un village touristique. »

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